Bas calculs pour une chambre haute. Intervenant comme par hasard le même jour où la justice rendra son verdict sur le procès qui oppose les deux ailes du FLN, la désignation par les grands électeurs de la moitié des membres du Conseil de la nation est loin d'être un fait banal. Quoi qu'on dise, il est souvent arrivé à la chambre haute du parlement de bloquer un projet de texte - comme dans le cas de la loi sur la publicité - et de le renvoyer en seconde lecture. Le système bicaméral, qui existe un peu partout dans le monde, a cela de particulier qu'il permet d'utiliser le privilège de l'âge dans l'acte de légiférer. Mais en Algérie, ce système permet aussi de corriger le système démocratique en injectant une bonne proportion de membres acquis au pouvoir par le biais du tiers présidentiel. Qui plus est, les turbulences que connaît la scène politique nationale cette année vont se refléter sur le déroulement du scrutin, puisque les tiraillements à l'intérieur du FLN et les divisions entre anti et pro-Benflis donneront lieu à quelques empoignades dignes de figurer dans le bêtisier de l'année 2003. L'enjeu est tellement important que les autres formations plitiques, et en premier lieu le RND qui dispose d'une majorité confortable dans le sénat sortant, vont mettre leur grain de sel, soit pour contrer Ali Benflis au bénéfice des redresseurs, soit au contraire, pour se sucrer au passage en attendant mieux. Ces formations sont le mouvement El-Islah de Abdallah Djaballah, l'étoile montante de la mouvance islamiste, et, à un degré moindre, le MSP du défunt Mahfoud Nahnah. En effet, M.Djaballah a de quoi pavoiser, puisque, par deux fois, il est arrivé à dribbler et scorer, aussi bien en ce qui concerne l'interdiction de l'importation des boissons alcoolisées dans la loi de finances 2004 que pour ce qui est des urnes spéciales et du vote des corps constitués. Avoir un pied au sénat, il ne verrait pas cela d'un mauvais oeil. Cela compléterait son tableau de chasse et lui mettrait, pense-t-il, un pied à l'étrier pour une candidature en fanfare à la présidentielle. Quant au MSP, il a moins de raisons de pavoiser. Son actuel président, à savoir M.Abou Djerra Soltani, n' a pas encore l'étoffe d'un présidentiable et il n'a pas encore décidé vers quel candidat iraient ses suffrages. Pour Bouteflika? Ce n'est pas encore sûr, tant les différentes sorties de ses leaders laissent transparaître plus qu'une hésitation à ce propos. Djaballah apparaît plus comme un rival éventuel qu'un candidat potentiel pour eux. En revanche, on verrait bien, selon ces leaders, un appui prononcé au docteur Ahmed Taleb Ibrahimi, quitte à faire une entorse aux amis de la coalition, une coalition bien moribonde, décidément. Le fait nouveau viendra sûrement d'une alliance entre le RND et les redresseurs du FLN. Tous deux, maintenant c'est clair, roulent pour une seconde candidature du président de la République. Sur le plan des sénatoriales proprement dites, le RND, actuel parti majoritaire à la chambre haute, ferait tout pour conserver son hégémonie, d'autant plus que le président du sénat est issu de ses rangs. Et pour M.Ahmed Ouyahia, qui s'apprêterait à quitter le Palais du gouvernement pour superviser la campagne électorale du président candidat, cette alliance avec les redresseurs n'est que pain béni. Il boit du petit-lait en comptabilisant le nombre de sièges qui vont tomber dans son escarcelle grâce à cette alliance inespérée avec les redresseurs, qui vont tout faire pour réussir quelques crocs-en-jambe à M.Ali Benflis. N'engageant pas le corps électoral dans sa globalité, mais seulement les grands électeurs, ce renouvellement du tiers du sénat ne permettra cependant pas de comptabiliser les forces avant de les jeter dans la bataille de la présidentielle. Cela restera donc un indicateur incomplet. La surprise viendra donc sûrement de la cour d'Alger.