Saïda Neghza Saïda Neghza est vice-présidente de la Confédération générales des entreprises algériennes (Cgea). Elle préside également plusieurs conseils d'administration de société. Dans cet entretien, l'opératrice économique nous livre sa réflexion sur les perspectives de la nouvelle année, tout en évaluant l'activité économique de l'année écoulée. L'Expression: L'année 2012 vient de prendre fin. Quelle est votre appréciation sur la gestion globale des affaires économiques et sociales du pays? Saida Neghza: Si je devais répondre globalement à votre question, je devrais pour ce faire, procéder à une évaluation d'un ensemble de faits liés à toute une gouvernance. Mais je me contenterais, en synthétisant, de vous expliquer notre point de vue sur certains aspects majeurs sur le plan économique et social. En effet, la désignation du Premier ministre, Abdelmalek Sellal, a mis fin à une grande inquiétude des opérateurs économiques sur l'absence des perspectives de développement économique et social ou tout au plus à une absence d'une stratégie mobilisatrice permettant la mise en oeuvre d'une politique devant aboutir à la création de richesses et d'emplois. Certes, il y a lieu de noter que les plans de développement initiés par le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, ont eu pour effet de permettre aux entités économiques d'aller vers une réelle croissance tous azimuts en permettant aux entreprises économiques de promouvoir leurs activités dans les wilayas les plus reculées du pays. De même qu'il y a lieu de noter qu'une avancée importante a été réalisée pour permettre à l'ensemble des citoyens algériens d'avoir accès à l'eau, l'électricité, le gaz...etc. Cependant, il y a des aspects que je devrais relever, ce sont ceux liés aux prérogatives régaliennes liées à la régulation, exprimées à travers des textes, décrets ou instructions qui n'ont pas fait l'objet d'une concertation avec les partenaires reconnus et qui ont eu pour effet une démobilisation des acteurs économiques. Quelle est votre approche du dialogue qui permettrait une meilleure appréhension des décisions portant sur la régulation? Puisque nous parlons de notre appréciation sur le développement économique au cours de l'année 2012 écoulée, ou du moins avant l'arrivée du nouveau Premier ministre, le dialogue se focalisait souvent, dans le cadre du tripartisme, sur les aspects sociaux négligeant l'approche fondamentale de l'environnement de l'entreprise algérienne, laquelle entité est génératrice de richesses et d'emploi. De même que l'environnement économique était le plus souvent pollué par une bureaucratie pesante ainsi qu'une multitude de textes pris en dehors d'une réalité du terrain, lequel présentait un aspect dangereux pour le pays et son économie dont une activité économique dominée par des acteurs agissant dans l'informel. Les pouvoirs publics auraient pu initier un véritable dialogue avec les partenaires, allant au-delà du tripartisme, mais incluant aussi les acteurs chargés d'émettre, dans le cadre des commissions prévues à cet effet, des textes législatifs. La régulation suppose une mobilisation des acteurs économiques issue d'un consensus reposant sur une volonté commune de promouvoir notre économie et non sur une démobilisation aboutissant à des fractures et des découragements. Certaines décisions prises sans concertation ont souvent été prises par une «intelligence» à sens unique ne tenant compte que de sa propre analyse. Notre propos n'est pas de dire que nous souhaitons légiférer avec les pouvoirs publics, bien au contraire, instaurer un vrai dialogue mobilisateur. Vous avez évoqué le mot «fractures». Quelles ont été, justement, les conséquences de ces dernières? Comme nous l'avons évoqué précédemment, l'entreprise algérienne a été entièrement marginalisée du rôle qu'elle était censée assumer dans le développement économique du pays par l'absence de stratégie mobilisatrice et dont les conséquences se sont répercutées, d'abord, sur les aspects sociaux, sur l'absence de croissance générée par l'entreprise, par un accroissement de l'activité commerciale en import -import, par une activité d'un informel générant un profit important échappant au contrôle fiscal, une inflation frôlant les deux chiffres...Un résultat mitigé et décevant. Devant ce constat, qu'appréhendez-vous pour l'année 2013? En premier lieu, puisque vous me posez cette question, je me dois tout d'abord d'adresser, à travers vous, mes voeux de bonheur et santé à l'ensemble de vos lecteurs et à tous nos confrères et leur dire, en toute simplicité, que notre pays doit retrouver le chemin de l'émergence, la stabilité dans son sens le plus large et afin que chaque citoyen puisse considérer que nos intérêts se retrouvent dans une saine mobilisation de toutes nos potentialités. Mais concrètement, pour atteindre cet objectif, il est indispensable de vous exposer les points de vue de la Cgea repris à travers sa plate-forme d'action et les principes qui l'animent. En effet, avant la fin de l'année 2012, la dernière tripartite a retenu comme objectif la mise en place d'un pacte de croissance. Cet objectif est éminemment important car il sous-entend une réelle volonté d'aller vers une mobilisation des acteurs économiques, qui pourrait permettre de s'engager à promouvoir la croissance dans différents secteurs porteurs et générer des emplois. De même qu'il répond aussi à notre volonté commune de prendre en charge une nouvelle approche pour résoudre une priorité parmi tant d'autres, celle du chômage et l'emploi des jeunes, d'une part, et le désengagement progressif à l'appel de la rente, d'autre part. L'Algérie dispose de moyens financiers énormes pour s'offrir à moyen et long terme une croissance à deux chiffres, notre pays a eu cette opportunité de se désengager de ses dettes et est devenu créancier du Fond monétaire international, un beau palmarès qui doit générer un attrait de tous les investisseurs algériens et étrangers, pour peu qu'au cours de l'année 2013, les pouvoirs publics prennent les décisions justes pour nettoyer et réformer l'environnement économique. Par ailleurs, nous avons beaucoup de potentialités dans notre pays à mettre en oeuvre dans les domaines de l'industrie, des services, de l'agriculture, du tourisme, de la pêche...etc. C'est dire que le terreau existe et nous offre l'opportunité et les avantages nécessaires à une croissance soutenue dès lors que notre souhait à tous est de mettre notre volonté à l'épreuve du défit. Mettre l'accent aussi sur la mobilisation de l'université qui doit jouer un rôle prépondérant dans la recherche, l'innovation et la formation qui sont les soubassements importants d'une économie en voie de croissance. Je voudrais autant que possible cerner des objectifs laissant le «comment faire» aux partenaires de dresser les détails et les mesures d'application pour atteindre l'objectif souhaité. Telle est notre vision. En tant qu'opératrice économique et vice-présidente de la Cgea, comment voyez-vous le rôle de la femme dans le cadre de la mobilisation des potentialités humaines? En tant que femme et mère, j'ai commencé tôt mes activités économiques passant par différents stades pour atteindre, aujourd'hui, la gestion de plusieurs sociétés activant dans différents domaines. Mes responsabilités sont d'ordre familial que j'assume pleinement, mes responsabilités en tant que présidente de conseils d'administration de sociétés et de vice-présidente de la Confédération générale des entreprises algériennes m'ont incité à accomplir mes devoirs, en tant qu'Algérienne, soucieuse de l'intérêt majeur de mon pays. Et de démontrer que la femme algérienne a un double rôle prépondérant à jouer dans l'édification d'un pays stable et prospère. Je dois dire, en outre, que c'est grâce à notre président de la Cgea, Habib Yousfi, que j'ai pu accéder à ces lourdes responsabilités et une compréhension réelle des défis économiques et sociaux que nous devons relever.