La nouvelle est tombée. Elle nous a assommés. Pourtant, elle ne nous a pas étonnés. Fréquentant et suivant l'athlétisme de haut niveau depuis bon nombre d'années déjà, ce sport olympique par excellence s'est, en quelques années, magistralement transformé. Il y eut tout d'abord cette tentative assez vite avortée, du milliardaire américain McCormack d'en professionnaliser l'aspect performance avec l'instauration d'un véritable championnat sous forme de tournois. Puis sous la pression de l'exigence de résultats, de performances et de records, l'argent se mit à couler à flots, discrètement d'abord par le biais de ces fameux dessous de table. Les sportifs, par qui le spectacle est, se mirent à demander puis à exiger compensations sonnantes et trébuchantes de leur travail et de leurs efforts et sacrifices. L'athlétisme de performances se transforma petit à petit en véritables jeux du cirque avec virtuoses, illusionnistes. L'IAAF elle-même, sous l'impulsion de son tout puissant président italien Primo Nebiolo s'impliqua davantage et prit les choses en main. Elle pactise d'abord avec les organisateurs des meetings majeurs. Puis, avec leur complicité agissante, elle instaure le grand prix. C'est un véritable championnat composé d'une série de meetings de moindre envergure, répartis selon leur importance et leur puissance économique et politique, en divisions 1 et 2. Le succès est immédiat. La télévision, la publicité et les sponsors font alors couler l'argent à flots. C'est la course à l'exclusivité, aux vedettes et aux records. Des athlètes arrondissent leurs fins de mois en faisant le lièvre pour favoriser les stars en quête d'exploits et de records. Les performances deviennent des exigences de meetings en meetings. Les primes et rémunérations sont de plus en plus alléchantes. Elles sont de tous ordres, dollars, voitures, lingots d'or. Les athlètes n'ont ni le temps suffisant de récupération ni même le simple choix des compétitions. Leurs très intéressés managers, en collaboration avec les organisateurs, sont omniprésents et ont la haute main sur tout. Les sportifs doivent se contenter d'être à la hauteur et remplir leur contrat. Mon problème permanent pendant de longues années a ainsi été de connaître le programme de nos athlètes dans les meetings internationaux. C'était presque du niveau d'un secret d'Etat. Ce ne l'était pourtant pas pour les organismes étrangers de télévision mis au courant dans les moindres détails La participation des meilleurs, la course à la performance et au record devint une constante. Certains records atteignirent des limites incroyable voire surhumaines car, entre-temps, on fit entrer le loup dans la bergerie. L'utilisation de produits dopants devint monnaie courante, au vu et au su de tout le monde. Les scandales succèdent aux scandales. La Fédération internationale elle-même, qui vient de décider de bannir de son appellation le mot amateur, décide de réagir de concert avec d'autres instances dirigeantes du sport mondial. Pour, dit-on, parer au plus pressé et avoir bonne figure et bonne presse. Quelques noms sont jetés en pâture à l'opinion publique. Les problèmes sont ardus et la tâche pas tout à fait simple car on ne peut feindre de ne pas savoir que les laboratoires de recherches sont toujours largement en avance sur ceux chargés du contrôle. Il y a quelque part une certaine dose d'hypocrisie dans la démarche. Ainsi peut-il être concevable et convenable d'annoncer une prise de produits dopants par une star qui vient d'être l'invité en grande pompe de la Fédération mondiale? Il est assurément plus facile de mettre aux bans des accusés, des champions indociles ou en fin de cycle. Ou bien des jeunes, livrés à des apprentis sorciers par des responsables incompétents et souffrant du complexe du colonisé. C'est pourquoi toute sanction prise doit être étendue à l'entourage immédiat, souvent très impliqué, de l'athlète, car beaucoup mieux outillé intellectuellement que ses athlètes sur les vertus et les conséquences de tel ou tel produit.