«Nous avons besoin de vos lumières.» Il est symptomatique que M.Ali Yahia Abdenour, qui n'a jamais été candidat à aucune élection ni n'a sollicité, au moins depuis 20 ans, un quelconque mandat, soit justement l'incontournable personnalité à laquelle on fait appel dès qu'il s'agit de défendre les libertés et les opprimés. Cette qualité lui est reconnue parce qu'il est un acteur de la société civile, un champion des droits de l'homme, qui n'attend des pouvoirs en place aucune récompense, aucune prébende ni aucune «promotion». En tant que défenseur acharné des droits de l'homme, il n'est mû que par la passion qu'il éprouve pour une activité militante qu'il exerce comme un sacerdoce. Depuis quelques années, on retrouve à ses côtés ses amis du FFS, mais aussi une personnalité intègre comme le docteur Taleb. Longtemps, certains l'ont traité de «salaud tout court» parce qu'il refusait de porter des oeillères, ni même une muselière, et qu'il a toujours été constant dans ses positions, en comparaison bien sûr avec Me Vergès, que certains ont surnommé «le salaud lumineux». Coluche ayant donné une connotation positive au terme «enfoiré», il est possible que le qualificatif «salaud» acquière, grâce à Me Yahia Abdenour, une coloration sympathique. Ne le lui répétez pas! Ce qui a justifié une telle entrée en matière? C'était en essayant de comprendre la présence d'un non-candidat aux côtés d'une brochette de huit candidats potentiels à l'élection présidentielle d'avril prochain, et qui sont MM.Benbitour, Benflis, Benyellès, Taleb, Sadi, Soltani, Hamrouche et Sifi. Me Yahia Abdenour représente-t-il la caution morale dont tous ces candidats ont besoin pour élaborer une plate-forme commune réclamant la transparence des urnes? C'est le fait justement qu'il ne soit pas candidat qui lui permet de jouer ce rôle. Comme il ne roule pour aucune chapelle et que ses positions sont des positions de principe transpartisanes, il est à l'aise pour trouver le dénominateur commun aux autres candidats, qui n'arrivent pas à se mettre d'accord sur l'ordre du jour. N'est-ce pas que les candidats seraient bien inspirés de lui jeter quelques fleurs en lui disant: «Nous avons besoin de vos lumières»? Cela dit, il ne fait aucun doute que les deux rencontres, qui ont réuni ces candidats au siège de la permanence de M.Benyellès, sont en train de réussir une belle opération de marketing politique, au sens où cette plate-forme sera la riposte appropriée à l'instrumentalisation de l'administration et de l'appareil judiciaire. Avant d'engager le fer les uns contre les autres, ils ont le bon réflexe de vouloir définir les règles du jeu pour avoir une élection propre et non entachée de fraude. Reste à savoir à qui sera soumise cette plate-forme, l'armée ayant dégagé la balle en touche en réitérant sa neutralité. Que reste-t-il comme instance de recours? Faut-il saisir l'ONU, la Ligue arabe, l'Union européenne, l'Otan? La Cour internationale de justice? La Ligue internationale des droits de l'homme? L'opinion publique nationale et internationale? Quelle est la marge de manoeuvre de ces personnalités. Car si aucun recours n'est possible, si les dés sont pipés, et si la fraude est inévitable, il ne fait aucun doute que ces candidats risquent de se retirer en masse de la course à la présidentielle, enlevant toute légitimité au président qui sera élu dans des conditions suspectes.