Les soldats français partiront-ils du Mali une fois la guerre finie? Les responsables de la CIA veulent combler un déficit flagrant en matière de renseignement en Afrique du Nord. On se dirige vers une situation inédite depuis l'indépendance du pays en 1962. A terme, l'Algérie court le grand risque d'être cernée par des bases militaires franco-américaines sur toute sa frontière Sud: les forces françaises qui ont pignon sur rue au Mali, ne vont pas décamper de sitôt. Comme la France a répondu à l'appel d'aide des autorités maliennes pour lutter contre Al Qaîda, elle fera de même pour y installer définitivement une base militaire. Alors que les appels se font déjà pressants, la France se contentera-t-elle de merles là où il y a des grives? Le député malien, Kassoum Tapo, a suggéré, il y a quelques jours, au Premier ministre, Diango Cissoko, la concession d'une base militaire française dans le nord du Mali. A la France se sont joints, depuis quelques jours, les Américains qui ont déjà installé une base de drones au Niger et s'apprêtent à installer une autre base plus fournie en hommes et en moyens en Libye. Avec un pareil redéploiement, l'Algérie sera totalement encerclée par des bases militaires franco-américaines à ses frontières Sud. A la recherche d'arguments valables pour mettre un pied en Afrique du Nord, les Américains en ont eu des plus solides. Le premier de ces arguments a été le saccage, en septembre dernier, du poste diplomatique américain et la base de la CIA à Benghazi qui a conduit à l'assassinat de l'ambassadeur J. Christopher Stevens et trois autres ressortissants américains. Le second argument vient d'être donné par l'attaque du site gazier de Tiguentourine à In Amenas, le 16 janvier dernier. Plus de place au doute, les Américains sont maintenant convaincus que la nébuleuse d'Al Qaîda, même décapitée, dispose toujours de sa force de frappe et qu'il va falloir focaliser cette région devenue le terreau des criminels. Dans son édition du 22 janvier dernier, le New York Times a révélé qu'il y a un lien direct entre l'attaque de Benghazi et celle d'In Amenas. Le quotidien américain a rapporté que les terroristes égyptiens faisant partie du groupe à l'origine de l'attaque du site gazier d'In Amenas, ont été les mêmes qui ont participé à l'attaque du poste diplomatique américain à Benghazi. Le même journal a affirmé que parmi les trois terroristes capturés lors de l'assaut mené par les forces spéciales de l'ANP, un d'entre eux a avoué, durant l'interrogatoire, qu'il a participé à l'attaque de Benghazi. Ajouté à cela, et selon des responsables des services de renseignements américains, cités par le Washington Post du 31 janvier dernier, on a estimé que la nouvelle filiale d'Al Qaîda cherche à exécuter des attaques sur d'autres cibles occidentales dans la région. Ce sont autant d'arguments suffisants pour que les Américains décident d'installer une base militaire en Libye. Pour le Niger c'est déjà le cas. C'est encore une fois le New York Times qui révèle que des drones Predator non armés seront chargés d'effectuer des missions de surveillance dans la région «afin de combler le manque d'informations plus détaillées sur un certain nombre de menaces régionales dont celles relatives aux groupes terroristes activant dans le nord du Mali et au flux de combattants et d'armes en provenance de Libye». Citant des responsables militaires américains, le quotidien new-yorkais précise qu'il s'agirait d'une base de drones de surveillance non armés tout en n'excluant pas le recours à des tirs de missiles «en cas d'aggravation de la menace». Dans ces régions d'Afrique du Nord, instables, hors de portée de drones et des agents de la CIA, les réseaux jihadistes ont trouvé un terrain de prédilection. C'est sur ce terrain justement que la CIA souffre d'un manque flagrant d'informations. Si bien que même les hauts responsables des services de renseignements américains avouent leur incompréhension de la composition des réseaux jihadistes dans la région. Ils expliquent cette défaillance par un manque de ressources financières et humaines. «Nous avons concentré la plus grande partie de nos ressources dans d'autres régions du globe comme le Pakistan et le Yémen où la CIA a posté des dizaines d'officiers et a exécuté des centaines d'attaques aux drones», a rapporté un responsable américain. L'administration Obama se trouve face à un nouveau défit sécuritaire. Elle est appelée à revoir de fond en comble toute sa stratégie antiterroriste qui jusque-là s'est basée sur des attaques par drones et les missions clandestines des forces spéciales américaines. Ce sont ces missions qui ont conduit à l'élimination, en mai 2011, du chef du réseau d'Al Qaîda, Oussama Ben Laden. Cependant, ce genre d'opérations est très contraignant en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, des régions où les Etats-Unis ont moins d'éléments des services de renseignements et y ont perdu leurs alliés les plus dévoués comme Hosni Moubarak.