Une féministe debout Un voyage initiatique au coeur des révolutions arabes. Une belle et étrange excursion sous le prisme de quarante et une subjectivités sous la direction de Wassyla Tamzali. Invitée de la balade littéraire de Béjaïa, Wassila Tamzali, l'écrivaine algérienne, pour qui tout passe par la condition des femmes s'est livrée à coeur joie aux questions du public présent samedi dernier au TRB, dans une atmosphère conviviale, chique et sympathique... Bonne initiative des éditions Chihab, en somme, qui viennent de publier un ouvrage collectif consacré au printemps arabe. Des bouleversements qui ébranlent le monde arabe et marquent un tournant sans précédent du Maghreb au Machrek. Sous la direction de Wassyla Tamzali, cet ouvrage se décline comme une sorte d'anthologie des textes consacrés à cet événement sous la plume d'une quarantaine d'écrivains arabes. Ce livre est, en effet, comme a été souligné dans l'ouvrage même, un voyage initiatique au coeur des révolutions arabes. Son ambition et sa force ne sont pas de répéter ce qui s'est dit partout ailleurs sur ces bouleversements, mais de creuser au fond du secret de l'intime, de l'inavoué, de l'imaginaire de chacun des auteurs. Une belle et étrange excursion sous le prisme de quarante et une subjectivités pour regarder naître, se chercher, se réfléchir, réfléchir le monde dans lequel elles ont vu le jour, ces révolutions, qui demeurent, malgré tout, aussi extraordinaires qu'inédites. «Être minuscule, c'est se sentir dépassé par quelque chose qui vous transcende...» rapporte Behdja Travesrac en reprenant Pierre Michon, cité par Nadia Tazi dans ce livre. «L'idée originale était d'écrire, non pas des témoignages sur l'actualité elle-même, mais des fictions. Car les fictions sont intemporelles.... On ne peut faire le silence sur des épisodes douloureux...car la mission de ma génération consiste à faire passer le témoin à la nouvelle génération...», commente l'écrivaine avant de rappeler une remarque, pas des moindres, pour se situer dans le temps et l'espace «même si ce livre a été décidé avant les élections dans les pays où cela s'est produit, et que nous en savions les obstacles probables, nous savions aussi l'intensité historique de ce qui s'est passé là. Une renaissance, inaugurant un cycle nouveau, inattendu, dans l'histoire des peuples arabes. (...) Mais pourquoi histoires minuscules? Pourquoi choisir de raconter les révolutions par des histoires singulières? Parce que les révolutions sont arrivées par la grâce de héros minuscules, et que si elles existent c'est par leur vertu de mettre enfin l'homme - la femme - au centre du devenir arabe, chassant Dieu et la nation. (...) Pour de nombreux héros minuscules de ce livre c'est un commencement. C'est la première fois que l'une fait l'amour, que l'autre parle, et que ce vieux, très vieux Cairote, né pendant la révolution de 1919 conduite par le Warf, rejoint les autres, sort de sa solitude et se dirige en fauteuil roulant dans son costume de marié vers la place Tahrir pour rejoindre les autres avec qui, enfin, il fait un. En espace d'un après-midi, Wassyla Tamzali comme à ses nombreuses sorties dans des conférences à Béjaïa, elle s'est livrée à expliquer et illustrer ses intentions sur d'autres sujets relatifs à la femme, à l'islamisme politique, et les systèmes politiques arabes en faisant le parallèle entre les guerres d'indépendances et les dernières révolutions dites arabes. A titre d'exemple, elle déclare que «la guerre d'Indépendance s'est terminée en 1962 en Algérie...mais après un demi-siècle post-colonial la guerre contre la société civile continue encore... c'est dire que nous n'avons pas connu de révolution chez nous», a-t-elle précisé avant d'ironiser sur les dernières réformes: «La plus grande hypocrisie de nos systèmes politiques, c'est comment voter pour une femme qui n'a pas le droit de choisir son mari?» pour enfin stigmatiser l'islamisme politique. «L'islamisme politique se base sur des démarches fantaisistes...alors que la pratique politique se base sur le compromis.»