L'opération d'hier est la première commise à Bagdad depuis le début de l'année. Bagdad a été soulevée hier matin par une forte explosion qui a ébranlé le siège de l'Autorité provisoire de la coalition (CPA) dans la capitale irakienne. Ce nouvel attentat à la voiture piégée, selon les premières indications des autorités militaires américaines d'occupation, se révèle comme l'un des plus meurtriers commis ces derniers mois en Irak. Un premier bilan rendu public, dans l'après-midi d'hier, faisait état de 25 morts dont deux Américains et des blessures pour 131 autres personnes dont les nationalités n'ont pas encore été clairement établies. En fait, la majorité des victimes sont des Irakiens employés par la coalition. Si le bilan est aussi lourd, c'est dû au fait que l'attentat s'est produit au moment où une longue file de travailleurs se prêtaient aux fouilles avant d'accéder à leur lieu de travail. Selon les indications données par le colonel américain Ralph Baker, en charge de la sécurité, le véhicule, un pick-up, bourré de 500 kg d'explosifs a explosé aux environs de 5 heures locales (8h Gmt) devant l'entrée principale de l'ancien palais présidentiel de Saddam Hussein - devenu le QG du CPA depuis l'occupation en avril dernier de l'Irak - entrée connue aussi sous le nom de «Porte des Assassins». Ce palais est la résidence en titre de l'administrateur en chef américain, Paul Bremer, actuellement absent de Bagdad. Des Etats-Unis, où il se trouve, celui-ci a considéré que «ces morts étaient tragiques et inexcusables». Ainsi, le site Internet de la coalition indique que M.Bremer estime que «L'attentat d'hier est un scandale et témoigne une nouvelle fois clairement des intentions meurtrières et cyniques des terroristes qui cherchent à saper la liberté, la démocratie et le progrès en Irak. Mais ils ne réussiront pas». L'attentat d'hier est le premier commis à Bagdad depuis le début de l'année. L'accalmie ainsi observée aurait été de brève durée, la guérilla, qui a poursuivi ses harcèlements des forces d'occupation dans le triangle Falloujah-Samara-Baaqouba est donc revenue dans la capitale créant hier la panique parmi la population et les soldats américains affectés à la garde du siège de la coalition. Ainsi, selon le témoignage d'un policier, qui a requis l'anonymat, «La voiture qui a explosé faisait la queue pour entrer dans le palais». Un autre témoin raconte «Les soldats étaient paniqués, il y en avait qui se jetaient par terre. J'ai vu des employés qui tombaient par terre blessés. C'était tellement fort, je n'ai jamais entendu une explosion pareille». Pour le porte-parole militaire de la coalition, le colonel Baker, il ne fait pas de doute «C'était un attentat-suicide». Renchérissant, le chef de la police irakienne, le général, Ahmed Ibrahim, indique «C'était un acte terroriste commis par des groupes étrangers. C'est contraire à l'islam. Ils ne visent pas la force de la coalition car la majorité des victimes sont des Irakiens», affirmant par ailleurs «Si les terroristes pensent de cette manière faire revenir le parti Baas au pouvoir, ils se trompent». Le général Ibrahim a estimé, d'autre part, que plus de 600 policiers irakiens ont été, ces derniers mois, victimes d'attentats ou tués dans des opérations de sécurité. Toutefois, le chef de la police irakienne juge ce chiffre «normal» car, selon lui, «l'Irak est devenu le champ de bataille pour les terroristes». Toutefois il a été remarqué une certaine dissonance entre les témoignages d'Irakiens sur place et ceux donnés par les portes-parole de l'armée américaine. Selon les premiers, il y aurait eu une seconde voiture sur laquelle des soldats américains ont tiré provoquant l'explosion. Le colonel américain Ralph Baker a démenti l'existence d'une seconde voiture piégée niant en outre que des soldats aient tiré sur un quelconque véhicule. La population irakienne a montré hier son inquiétude face à la persistance des attentats d'autant plus que ce sont les Irakiens qui sont les premières victimes de ces attaques censées viser l'occupant américain. S'adressant hier à la presse, le général américain, Mark Kimmitt a indiqué qu'au niveau des hôpitaux militaires américains «Au moins 20 personnes ont péri et près de 60 ont été blessées», précisant «Nous avons la confirmation que des citoyens américains figurent parmi les tués. Leur nombre est de deux, mais nous en attendons la confirmation». Par ailleurs, les hôpitaux irakiens ont déclaré pour leur part avoir admis cinq morts et 71 blessés. Revenant sur la situation en Irak, le général Kimmitt affirme «Nous allons continuer nos opérations. Tant que nous serons ici, nous continuerons à tuer ou à capturer les éléments anticoalition et anti-Irakiens». Comme quoi le bras de fer coalition-guérilla irakienne est loin de connaître son terme, et l'attentat d'hier confirme que l'Irak demeure une bombe à retardement pouvant exploser à tout moment. Cela, d'autant plus qu'au plan politique, les chiites, peu satisfaits des projets de la coalition pour l'Irak, montent au créneau.