Moins de dix jours après sa prise de fonction, l'ancien sénateur républicain est venu à Kaboul pour «mieux comprendre où nous en sommes en Afghanistan». Discret, prudent et accommodant face aux accusations frisant l'outrance du président Hamid Karzaï: le nouveau secrétaire américain à la Défense Chuck Hagel a fait preuve d'un luxe de précautions pour sa première visite sur le terrain en Afghanistan. Moins de dix jours après sa prise de fonction à l'issue d'un processus de confirmation cauchemardesque, l'ancien sénateur républicain est venu à Kaboul «mieux comprendre où nous en sommes en Afghanistan», occasion pour lui d'endosser face à l'opinion les habits de patron du Pentagone et d'une armée dont 66.000 hommes combattent toujours en Afghanistan. Mais l'exercice s'est vite mué à son corps défendant en vain exercice de gestion de crise. Samedi matin, à moins d'un kilomètre de la salle de réunion dans laquelle il faisait un point sur le conflit, les taliban lui ont «envoyé un message» en organisant un attentat suicide à proximité immédiate du ministère de la Défense, l'un des lieux les mieux gardés du pays. Dimanche, à quelques heures d'un entretien avec le ministre américain, c'est le président afghan qui s'en est une nouvelle fois pris violemment au protecteur américain, avec qui les frictions se multiplient. Selon Hamid Karzaï, les taliban sont des alliés objectifs des troupes américaines car leurs actions «servent la rhétorique» américaine pour maintenir des troupes dans le pays après 2014. A chaque fois, Chuck Hagel a répondu avec une prudence de sioux, manifestant un comportement réservé. Il a parfois même semblé mal à l'aise dans son nouveau rôle quand son prédécesseur Leon Panetta n'hésitait pas à être parfois exubérant. Les déclarations d'Hamid Karzaï ont suscité une levée de boucliers immédiate au sein de sa délégation et conduit le général Joe Dunford, commandant les forces américaines et internationales en Afghanistan à nier «catégoriquement». «Nous n'avons aucune raison d'être de mèche avec les taliban», a-t-il asséné devant des journalistes, rappelant que les Américains avaient «combattu trop durement ces 12 dernières années, versé trop de sang» pour être taxés de collusion avec les taliban. Sur la défensive, Chuck Hagel s'est pour sa part montré plus accommodant: Hamid Karzaï «a sa façon d'agir, il a des problèmes», a-t-il expliqué. «J'ai été politicien, donc je peux comprendre le type de pression que les dirigeants de pays subissent continuellement», a jugé l'ex-sénateur en rupture de ban face à ses anciens amis républicains. Même prudence quand il évoque la conduite du conflit, qu'il n'a abordé qu'en termes très généraux. «C'est compliqué», a-t-il répété à de nombreuses reprises. Il n'a pu ou voulu s'aventurer à commenter le retrait de la moitié des troupes d'ici février 2014, l'éventuelle présence américaine après cette date ou la taille et le financement à terme des forces afghanes. C'est face aux militaires du rang que cet ancien sergent, vétéran du Vietnam, a semblé le plus à l'aise. Sur la base américaine de Jalalabad (est) il s'est gardé de tout exposé géopolitique lors d'une prise de parole face à une centaine de soldats de la 101e Aéroportée. Jouant la complicité, il a plutôt demandé d'une voix rocailleuse aux militaires de lui «donner des conseils». Et il a semblé avoir conquis la troupe en évoquant «ce qu'endurent les familles» des militaires déployés, qui «restent à l'arrière, s'inquiètent et doivent faire face aux difficultés du quotidien». A l'issue de la rencontre, le sergent Sam Garrett, s'enthousiasmait: «Il a parlé des familles. Pour ces gars, ça veut dire beaucoup».