Obama l'a voulu et la obtenu : acheter les talibans afghans que ses forces armées et celles des autres membres de l'Otan n'ont pas pu défaire après huit années de guerres. La conférence de Londres a mis sur le tapis 100 millions d'euros pour que les talibans cessent le combat. De la capitale britannique, le président Hamid Karzaï a appelé les talibans à descendre des montagnes et à se transformer en force politique. Devant les représentants de 70 pays, Karzaï a révélé que le 5 janvier, des chefs militaires régionaux taliban ont rencontré secrètement le représentant spécial de l'Onu à Dubaï. On comprend alors pourquoi juste avant la conférence de Londres, l'Onu avant annoncé le retrait de la liste de terroristes recherchés de quelques chefs talibans. Karzaï a également annoncé la mise sur pied, dans les prochains jours, d'un “Conseil national pour la paix et la réconciliation”. Suivra “une loya jirga pour la paix en Afghanistan”. Cette grande assemblée d'anciens et de chefs tribaux, en contact tant avec les autorités qu'avec les insurgés, est censée servir de canal à la réintégration des terroristes appelés aujourd'hui, y compris par les Américains, d'insurgés. Au pouvoir à Kaboul entre 1996 et 2001, les talibans en avaient été chassés dans la foulée des attentats du 11 septembre 2001, parce que leur chef, le mollah Omar, refusait de livrer aux Américains Oussama Ben Laden et les djihadistes d'El-Qaïda, installés dans le sanctuaire afghan. Malgré la présence en Afghanistan de 100 000 soldats étrangers, fournis essentiellement par les Etats-Unis et l'Otan, les talibans n'ont cessé de se renforcer depuis trois ans. En 2009, ils ont infligé 520 pertes aux troupes étrangères, près de deux fois plus que l'année précédente. Alors, les présidents occidentaux qui font face à leurs opinions et persuadés aujourd'hui que leur coalition ne paraît pas en mesure de l'emporter militairement ont exigé de Karzaï de tendre sa main pour au moins retourner les talibans les plus modérés et les plus las. “Il s'agit de renverser le courant”, a résumé l'hôte du sommet, le Premier Ministre britannique Gordon Brown. Pour inciter les talibans à franchir le pas, Karzaï et ses protecteurs comptent bien sûr sur les 30 000 renforts annoncés par Obama, ils seront opérationnels l'été prochain et vont accroître la pression sur les insurgés. Et le président afghan va aussi bénéficier d'un trésor de guerre : un fonds de réintégration auquel les bailleurs de fonds ont promis 100 millions d'euros. En clair, il s'agit d'acheter ceux des 800 à 900 chefs talibans qui accepteront de cesser le feu ou, mieux, de changer de camp. Des experts de la région ont rappelé que c'est la manière traditionnelle de faire la guerre en Afghanistan. Mais l'administration Karzaï n'inspirant qu'une confiance modérée, la Conférence de Londres a aussi décidé l'envoi à Kaboul, d'ici trois mois, d'une mission d'experts anticorruption. Reste à savoir si le Pakistan et l'Arabie saoudite, qui avaient installé les talibans à Kaboul, vont peser sur leurs protégés d'hier. Et si les voisins, l'Iran, la Russie et l'Inde, pas pressés de voir les talibans de retour à Kaboul, acceptaient le scénario écrit à Londres ?