Bourouiba Boualem, Oumeziane Mouloud, Demène Debbih et Tayeb Belakhdar refusent qu'un «nouveau chèque à blanc soit accordé». Une déclaration de la plus haute importance, venue compliquer une situation déjà assez confuse a été rendue publique hier par trois secrétaires généraux de l'Ugta, ainsi que par un de ses membres fondateurs et ancien secrétaire général adjoint. Il s'agit respectivement de Bourouina Boualem, Oumeziane Mouloud, Demène Debbih Abdallah et Tayeb Belakhdar. De vrais «monuments», en somme, qui ont marqué la lutte syndicale en Algérie et dont la sortie, qui ne peut laisser personne indifférent, pèsera très lourd dans la décision finale que prendra l'Ugta vis-à-vis de la prochaine présidentielle. La déclaration, qui vise Bouteflika sans le nommer, commence par une longue tirade de lieux communs avant d'aboutir au message véritable, délivré aussi bien à la centrale, qu'aux pouvoirs publics, aux électeurs et aux travailleurs. «Soyons maîtres de nous-mêmes. Les travailleurs sauront arrêter, le moment venu, leur choix sur le candidat qui offrira le plus de garanties répondant aussi bien à leurs profondes aspirations qu'à celles des millions d'Algériens déshérités...» La déclaration, qui conteste donc un soutien aveugle à un second mandat de Bouteflika, prône la «prudence». Elle explique cette démarche par le fait que «si l'on ne saisit pas l'opportunité de remettre les pendules à l'heure, il ne servirait à rien, demain, de pleurer sur le sort qui nous est fait». L'allusion est à peine déguisée, qui concerne ce mandat finissant. En dépit de tous les acquis sociaux décrochés lors des différentes rencontres entre le gouvernement et ses partenaires social et économique, il semble que les observateurs décrètent cela «insuffisant». En témoigne le fait que la déclaration nous a été faxée à partir du siège de la Fédération nationale des travailleurs retraités, dont le secrétaire général, M.Azzi, est un des premiers signataires de la pétition exigeant le départ immédiat du président Bouteflika. Les signataires de la déclaration, qui se réclament de l'Ugta, et en tirent une grande légitimité du haut de ses quatre millions d'adhérents et sympathisants, cherchent à en préserver la cohésion et la puissance: «L'Ugta devra être préservée et protégée de toute manipulation. Il faut éviter à tout prix de lui faire prendre des positions qui risqueraient à terme de provoquer son éclatement.» Joint, hier, par téléphone, un membre influent du secrétariat national de l'Ugta a souligné «ne pas être au courant de cette sortie». Il a ajouté que «la centrale est souveraine dans la prise de ses décisions, comme il a été souligné lors du rappel à l'ordre de la commission de suivi des élections, placée sous l'autorité directe du secrétariat national». Des dérives, nous avaient rapporté des sources, avaient commencé du fait de la présence en nombre important de sympathisants de Bouteflika au sein de cette cellule de suivi. Sidi Saïd y avait mis le holà, de même qu'il avait rappelé à l'ordre les deux cadres de l'Ugta, Badreddine et Azzi, pour avoir signé, au nom de l'Ugta, la pétition exigeant le départ de Bouteflika. Ainsi, et même si le secrétaire général de l'Ugta n'a pas encore livré le fond de sa pensée, préférant laisser le soin à la CEN, de trancher souverainement lors d'une rencontre prévue le mois prochain, qui sera exceptionnellement ouverte à la presse, il jouit du soutien de ses quatre anciens responsables dans leur déclaration: «Le monde du travail, qui est traversé par toutes les sensibilités politiques, s'accommoderait mal d'un alignement quelconque. La position adoptée par le secrétaire général de l'Ugta est à soutenir dans son principe.» La déclaration, ainsi que les nombreuses analyses relatives aux activités politiques de l'Ugta, très souvent comparée à l'ANP, avaient poussé la centrale à s'impliquer dans la politique en 1992, 1995 et 1999 parce que le pays était en crise et que toutes les sensibilités traversant la centrale s'accordaient sur la nécessité de dépasser cet écueil. A présent les choses ont diamétralement changé. Ce syndicat se voit donc appelé à rejoindre les usines tandis que l'ANP a déjà quitté la scène politique pour élire demeure dans ses casernes.