Ce témoignage est une modeste contribution sur une période de la guerre de Libération nationale telle qu'elle a été vécue par de valeureux combattants de l'ALN dont nombre d'entre eux ne font plus partie de ce monde. Après avoir arraché le pays des griffes du colonialisme, ils ont vécu humbles, discrets, parfois dans le dénuement total, mais avec le sentiment fier d'avoir accompli un devoir envers la patrie. Dans cette modeste contribution, Bachir Mohamed, ancien membre du réseau «S» qui a activé à Alger durant la période allant de 1958 à 1962 et dirigé par le défunt Slimane Bouatba, raconte quelques épisodes qui, parmi de nombreuses autres actions menées par des patriotes, ont fait que nous soyons aujourd'hui libres. De ces hommes, Bachir Mohammed cite ceux avec qui il a eu à mener des actions armées ciblées au niveau d'Alger. Il s'agit, notamment de cheikh Ahmed Sahnoun, Dakhli Bachir, tous deux éléments du 1er Novembre. Haddanou Ahmed, dit Mouhiss également élément du 1er Novembre. A l'Indépendance, il devint le premier maire de Rouiba, décédé dans les années 1970, laissant sa famille dans le désespoir et le dénuement. Mostghanemi M'hamed-Tayeb Aboulhassen, politico-militaire, décédé aussi à l'Indépendance, laissant également sa famille dans la même situation que celle de Mouhiss. En plus de cette section politique, Bouatba avec Mostghanemi, Tayeb et Mouhiss, créeront deux autres sections qui joueront un rôle très important dans la propagande artistique et estudiantine. Il s'agit notamment de Hassan El Hassani, Mahboub Stambouli et autres. Pour les étudiants, il y avait Mesbah Djamel Eddine, docteur en sociologie, responsable de la cellule. C'est lui qui transmettait les informations sur notre combat dans toutes les universités d'Alger avec les frères Cherif Rahmani, Aït Hadadi Hocine, Benalia Belkacem et d'autres encore. Donc, tous nos hommes politiques, collaborateurs du défunt Slimane Bouatba, étaient dotés d'une doctrine révolutionnaire très élevée. Sous l'animation de ces derniers, nous n'exécutions aucune action armée si elle ne comportait pas un impact solide faisant trembler l'ennemi. En 1960, Alger fut inondée de parachutistes: Bérets noirs à Belcourt où la SAS fut transformée en caserne militaire. Des patrouilles en très grand nombre déferlaient à longueur de journée sur les deux trottoirs de la rue Belouizdad (ex- rue de Lyon), du Champ de manoeuvres (1er-Mai) au Ruisseau, ils voulaient inculquer, au départ, la peur aux habitants de la commune des 22 historiques. A la Casbah furent installés les Bérets rouges en très grand nombre pour les mêmes motifs que les Bérets noirs de Belcourt, ils terrorisaient la population qui a vécu la bataille d'Alger sous Ben M'hidi, Yacef Saâdi et Ali la Pointe. Les deux corps dans ces deux quartiers, aidés par les Zouaves fortement implantés depuis 1957, voulaient écraser à la naissance tout mouvement de protestation en croyant que par leur venue, Alger était bien encerclée et maîtrisée. A trois jours de l'arrivée de cette armada de tueurs, de nouvelles instructions nous sont parvenues de notre commandant de l'ALN. «Il faut démontrer à cette armée que le FLN et l'ALN les poursuivront là où ils iront en Algérie jusqu'à leur départ définitif.» Pour ce faire, une patrouille de Bérets rouges d'une quarantaine d'hommes, a été attaquée à la Casbah, rue de la Lyre. Une attaque lancée par Bachir Mohamed et Bentchakal Belkacem. (guetteur). Cette attaque en hommage à tous les frères de la bataille d'Alger, a fait de nombreux morts et blessés. La SAS de Belcourt, transformée en caserne, a été attaquée avec deux grenades par Nouri Hamid, Bachir Mohamed et Khalfi Miloud, transporteur. A 7h du matin, au moment où toute la caserne était rassemblée pour la levée des couleurs, les deux explosions ont provoqué de nombreux morts et blessés. Avant ces deux attaques, le 8 mai 1960, sur une mobylette, une bombe de très fort calibre, préparée par Bouatba et Haddanou, a été déposée au niveau de la brasserie du Novelty par Bentchakal Belkacem. Ce jour-là, à 20h 00, le général de Gaulle devait prononcer son discours habituel sur la consécration du 8 Mai 1945. Cette brasserie fréquentée par les hauts gradés des différents corps de l'armée française, à 18h00, moment du dépôt de la bombe, était archicomble. Certainement mal réglée au maquis, elle n'explosa pas. Aux environs de 22h, Bachir Mohamed l'a récupérée au détriment de sa vie. De crainte qu'à la fermeture de la brasserie, elle serait désamorcée et que les ultra français iraient la déposer à la Casbah. L'attentat commis rue de Thèbes, dans la Casbah d'Alger par ces mêmes ultra contre des civils algériens hantait toujours les esprits.. En 1961, à El Harrach, un grand partisan de l'Algérie française et son adjoint furent abattus par le réseau Bensaïd Hmidet, Kenane Ali et Bachir Mohand. L'impact souhaité se réalisa. Il s'en suivi une grève dans le corps des médecins coloniaux sur tout le territoire national, pendant plusieurs jours. Conclusion: à travers ces actions et leur impact réfléchi par de grands hommes, les membres du réseau voulaient démontrer qu'ils agissaient dans un cadre discipliné et qu'ils exécutaient à la lettre des orientations des chefs de la Révolution.