Ahmed Haddanou dit Mouhis (à droite) et Bachir Mohamed (à gauche) De valeureux moudjahidine préfèrent rester dans l'anonymat pour l'écriture de l'Histoire. Il a fallu que l'un de leur fils, très respectueux du Cinquantenaire de l'Indépendance, le fasse. Après la fin de la bataille d'Alger dont les principaux acteurs ont été tués ou arrêtés par la 10e division parachutiste de l'armée française dirigée alors par le général Massu, le combat pour la liberté n'était pas pour autant terminé au niveau de la Zone autonome d'Alger. De valeureux combattants épris de liberté et pétris de valeurs patriotiques ont repris le flambeau. Véritable machine de guerre, le réseau «S» a pris le relais des attentats contre des cibles bien précises. Très peu de choses ont été écrites ou dites sur ce réseau. Un des survivants, Bachir Mohammed, avec le fils de Haddanou Mohammed surnommé Mouhis, qui l'accompagnait, ont bien voulu nous remettre des documents à même d'éclairer cette période charnière de notre guerre de Libération nationale. Des documents écrits de la main du défunt Slimane Bouatba. Aussi, le texte qui suit a été rédigé en collaboration avec tous les membres de ce réseau et adressé en 1986 au Comité de rédaction de l'ONM sur l'histoire du fonctionnement de la wilaya IV historique entre 1958 et le 19 mars 1962. Le texte contient un relevé de toutes les actions politiques et militaires exécutées par ce réseau entre 1959 et 1962. «Par ce document historique, nous leur démontrerons (aux générations futures, Ndlr) qu'il est très facile de défendre et de gérer son pays, quand le dévouement à la cause nationale, l'abnégation, le sacrifice, l'honnêteté et le patriotisme existent chez chacun». Il convient de noter également que la période 1958 à 1962, a été la plus cruciale de la lutte de libération. Après la Bataille d'Alger, l'ennemi avait planifié, d'écraser purement et simplement la révolution (ci-joint copie d'une directive du Premier ministre français, Michel Debré, concernant uniquement les mesures prises par le général de Gaulle, contre la région d'Alger. Document récupéré en 1978 au siège de l'ex-Préfecture d'Alger). Le réseau «S» (dénommé ainsi, par la première lettre du prénom: Slimane Bouatba) a été créé en 1959 par l'ALN et n'avait pour tâche que l'action armée. Il était autonome de toutes autres organisations avec lesquelles il entretenait de très bonnes relations. Du commandant de la zône1, il avait le feu vert pour l'exécution de toute action armée susceptibles de perturber l'organisation ennemie et à n'importe quel endroit de la région d'Alger. L'objectif du conseil de la wilaya 4 et de la zone 1 était la reprise de la bataille d'Alger avec plus de hargne et de maîtrise. Les instructions étaient claires, pour cette période décisive: «Vaincre ou mourir.» Avec un effectif très réduit, mais sélectionné rigoureusement pour son passé patriotique, ce réseau a ébranlé l'ennemi qui recherchait sans commune mesure chacun de ses membres. Une partie ayant été arrêtée en juillet 1961 et tous ont écopé de 12 années de réclusion criminelle. Il s'agit de Haddanou - Meklati - Benyahia - Mosteghanemi - Amirouche-Tayeb Aboulhassen Bouatba Slimane. Ce dernier a réussi à s'évader du tribunal pour rejoindre l'ALN en Zone 1 et être désigné responsable politico-militaire de la ville d'El Harrach en remplacement de Si Boudjemaâ El Bekari, chahid à El Harrach-ville. Chakal Belkacem, Nouri Hamid et Bachir Mohamed n'ont pas été arrêtés, mais demeuraient vivement recherchés. Pour Bachir, sa tête a été mise à prix pour toute personne pouvant le dénoncer mort ou vif. Il a été arrêté en janvier 1962. Et pour sauver toute l'organisation civile et militaire il n'a pas hésité à se jeter du 2e étage de la caserne (où il fut emmené) à la rue Amiral Guépratte - Belcourt). Les avatars de l'histoire Ramassé dans le coma, par l'ennemi qui l'a transféré à l'hôpital Maillot où il fut soigné à la tête dans la salle où était déjà en soins pour deux balles dans les cuisses, l'aspirant (défunt) de la Zone 2, Si Mohamed Chebli. Les membres du réseau agissent selon une doctrine sans faille pour mieux encourager, convaincre la population de l'existence de l'ALN et accomplir plus d'actions de déstabilisation de l'ennemi. Le réseau a exécuté 19 attentats réunis. Cinq manqués et un enlèvement de deux traîtres. Les documents rappellent que la perte des illustres membres a été complètement ignorée par l'ONM qui aurait dû au moins donner leurs noms à certaines rues. Il s'agit des défunts, durant l'indépendance, Hadanou Ahmed, Meklati Ahmed, Tayeb Aboulhassen, Mesbah Seddik et Ouarab Mohamed (qui auraient pu participer à l'écriture de notre histoire) ainsi que Guerari Hamid. Etrange avatar de l'Histoire, on a appris par voie de presse dernièrement que pas moins de 44.000 rues n'ont pas de noms en Algérie! La structure de l'organisation de ce réseau était exemplaire et tous les frères étaient à l'abri de toute éventuelle difficulté en cas de recherches. «Nous avions plusieurs refuges dans toute la région d'Alger et les chefs de refuge nous transportaient avec leurs véhicules en règle», lit-on dans le document. «Dans nos déplacements vers la Mitidja, tous la famille du frère Draï Mustapha nous informait tous les jours des barrages installés sur les routes de Meftah, l'Arba et Sidi Moussa. De même que le frère Korichi Abderrahmane.» Sur le plan de l'organisation politique, Haddanou Ahmed - Mosteghanemi M'hamed - Tayeb Aboulhassen, en plus de leurs autres actions armées, étaient de fervents animateurs politiques (commissaires). «C'étaient mes adjoints directs pour toute décision concernant toutes les actions armées. En tout cas, tous conscients de l'impact politique, celui de détruire l'ennemi, l'ambiance et l'esprit qui ont toujours stimulé le réseau était «un pour tous, tous pour un», écrit le défunt Bouatba Slimane ajoutant que «chaque action était considérée comme avoir été exécutée par tous. Le frère défunt Tayeb Aboulhassen, acteur venant de quitter la prison était chargé du transport d'armes et de munitions à travers la capitale». La cellule politique était constituée par Ahmed Sahnoun, Dakhli Bachir, avant leur départ pour l'étranger, et Ahmed Benmansour militant permanent, propriétaire du refuge de la zone 3 de la wilaya 3, dénoncé et bombardé à Bordj-Menaïel, ainsi que Mesbah Djamel et son père. Le document a établi une liste non exhaustive des refuges. Nous la citons telle qu'elle a été consignée dans le document. Un hommage à titre posthume 1- Domicile de Mesbah Seddik (Air de France), qui était déjà militant ainsi que son fils Djamel avec la wilaya III. Ce refuge a été choisi pour le patriotisme de ces derniers, mais surtout pour leur voisinage constitué d'éminents agents de la DST. Endroit insoupçonnable. De plus, Djamel étudiant à l'époque, nous servait d'agent de liaison et de secrétaire de notre organisation. A l'époque, il a même fait rentrer le message sur la libération, dans l'université. 2- Domicile de Djaïdir Hamidar - à Paradou-Hydra-Alger, qui servait aussi d'infirmerie et lui-même d'agent de renseignement. Son épouse et sa belle soeur, exerçant à l'hôpital Mustapha, rapportaient de très grandes quantités de médicament qui seront acheminés à chaque fois au maquis. Elles ont même orienté Bachir pour les accompagner dans leur service où ce dernier déroba un pistolet 7,65 de marque Ebard, du bureau de leur chef de service. 3- Domicile de Benmerabet Mohamed au Champ de Manoeuvres. Son garage de Bab El Oued servait de dépôt d'armes et nous a servi de lieu de réglage de la bombe et sa confection sur une mobylette, pour être déposée à la Brasserie du Novelty. place ex-Bugeaud (place Emir Abdelkader actuellement). 4- Domicile de Ouarab Mohamed (défunt) à Bouzaréah. En plus du refuge, ce dernier a offert à l'organisation une voiture Dauphine neuve et en plus un autre autre voiture 203, il servait à transporter des groupes armés. 5- Magasin et logement de Zenbadji, servaient de refuge. 6- Domicile de Kouariche Zahra à Bouzaréah, servait de refuge et pour cette action elle a été mitraillée par la Main rouge. 7- Domicile de Guerrari Hamid au lotissement Appreval (Ben Omar, partie inférieure) servait de refuge et pour cette cause, il a été complètement dynamité et détruit au ras du sol. 8- Domicile de Khalfi Milard à Hussein Dey servait également de refuge. Ce dernier, chauffeur de taxi a servi avec son véhicule au transport des frères Bachir et Nouri pour l'attaque de la SAS de Belcourt et des deux maîtres enlevés et dirigés vers nous à la ferme de Si Milard, beau-frère de Draï Mustapha. 9- Usine et domicile du défunt Allel Bentchicou industriel, de la rue Aubert, ont servi de refuge aux pères Bachir et Nouri. Relations, liaisons avec l'ALN, Région III et tout le réseau politique et militaire. Elle était assurée par Draï Mustapha, dont le domicile servait de refuge et d'infirmerie. Son magasin à la rue Vialar - Alger - avec son associé Mesbah Khier, servait de lieu de rendez-vous, de boîte aux lettres et de dépôt d'armes et de munitions. Ce sont eux aussi qui subvenaient financièrement au réseau et avec leurs deux voitures, ils nous servaient de transporteurs. Les boîtes aux lettres des membres du réseau et les prises de contact avec l'ALN se trouvaient notamment à: - L'Arba, route d'El Harrach, dans la maison de Amrouche Lamari (arrêté pour cette fonction, il a été condamné à 12 ans de prison). - Au chemin d'Oued Smar, route de Maison-Blanche dans la ferme de Si Mouloud, beau-frère de Draï Mustapha (lui aussi arrêté pour notre cause, dénoncé par on ne sait qui en août 1961), il a été torturé sauvagement et libéré en 1962. - Le domicile de Ahmed Belzreg de l'Arba et d'un contrôleur des Cfra, domicilié entre Sidi Moussa et L'Arba. - Les domiciles de ces quatre frères servaient aussi de refuge à tous les groupes de l'ALN du secteur concerné. C'est par cette esquisse de ce précieux document sur l'histoire du réseau «S» connu de tous les militants de la wilaya IV, que les rédacteurs n'ont pas omis de signaler la grandeur de vue de tous les responsables du conseil de wilaya et de la zone I, qui, en accordant de larges pouvoirs, visaient juste le moyen qui a fait aboutir à la libération du pays. «Je ne terminerai pas sans ma vive reconnaissance à tous les frères moudjhidine qui ont participé à la lutte armée durant cette période 1958-1962», avait écrit le défunt Slimane Bouatba, a qui nous rendons hommage à titre posthume. De valeureux moudjahidine préférant rester dans l'anonymat pour l'écriture de l'Histoire. Il a fallu que l'un de leurs fils, très respectueux du Cinquantenaire de l'Indépendance, le fasse. Il s'agit du fils de Haddanou Mohammed dit Mouhis qui a «forcé la main» au moudjahid Bachir Mohammed. Ce dernier, malgré son âge, a fait l'immense effort de se déplacer à notre rédaction pour nous remettre les documents et nous expliquer des épisodes d'une Histoire, de notre histoire, hélas, méconnue. Qu'il trouve ici notre profonde gratitude. Liste de tous les fidaïnes faisant partie de nos réseaux avant nos arrestations et après nos évasions Haddanou Ahmed-Bachir Mohamed (chef fidaï-) Mosteghanemi M'hamed-Tayeb Aboulhassen-Meklati- Ahmed-Benyahia Mohamed-Bensaïd Ahmed-Guerrari Hamid-Kenane Ali-Draï Mustapha Zeddak Mohamed ex-condamné à mort, évadé de la prison d'El Harrach en 1961