Hollande saura-t-il ramener Mohammed VI à la raison? Au-delà des questions économiques et commerciales liant les deux pays, le conflit du Sahara occidental pèsera de tout son poids sur la visite de François Hollande. Deuxième escale dans son agenda maghrébin, après l'Algérie - ce qui avait d'ailleurs suscité des grincements de dents à Rabat - la visite, aujourd'hui, du président français, François Hollande au Maroc, intervient sur fond de polémique et d'interrogations. Au-delà des questions économiques et commerciales liant les deux pays, le conflit du Sahara occidental pèsera de tout son poids sur la visite du président français. Connu pour son réalisme et sa clairvoyance, l'hôte de marque de Mohammed VI pourrait, à l'occasion de son séjour chez le partenaire «le plus intime» de la France, ramener ce dernier à la raison. Celle de la légalité internationale et du respect de ses engagements. En effet, depuis l'éclatement en 1975 du conflit du Sahara occidental, la France, membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, a fait fi des résolutions favorables à l'autodétermination du peuple du Sahara occidental. Qu'ils soient socialistes ou de droite, tous les présidents qui s'étaient succédé à l'Elysée ont adopté la même ligne de conduite; celle du palais royal. Ainsi, la France qui a, jusque-là, tenu un double langage, va-t-elle à l'ère Hollande prendre une décision courageuse à l'égard de la dernière colonie du XXIe siècle? Le locataire de l'Elysée va-t-il contribuer à ouvrir un épisode qualitatif dans la résolution du dossier sahraoui, ou va-t-il, comme ses prédécesseurs, céder à la pression des lobbies? Il est de l'intérêt de la France de contribuer à trouver une solution juste et durable au conflit sahraoui. Une solution qui, non seulement favorisera la réédification de l'Union du Maghreb (UMA), mais surtout consacrera la stabilité de la sous-région. C'est, mu par ce souci, que le président sahraoui, Mohamed Abdelaziz, a, dans une lettre adressée à François Hollande affirmé que la position de la France à l'égard de la question sahraouie est un obstacle pour la paix et la sécurité. «Nous pensons, toutefois, qu'il n'est jamais tard pour (la France) de réviser une position qui est perçue aujourd'hui comme un obstacle pour les intérêts bien compris de la France qui sont ceux de la paix et de la justice», souligne M. Abdelaziz. L'autre argument avancé par le président sahraoui pour conforter sa démarche, est l'instabilité qui règne dans la région du Sahel et qui sans la résolution du conflit sahraoui, aura des répercussions désastreuses sur la région du Maghreb. «Les leçons tirées des événements en cours dans la région voisine du Sahel confirment cette vérité», ajoute le président de la Rasd dans sa lettre au chef de l'Etat français. Sur un autre chapitre, la France des droits de l'homme et des libertés doit également exhorter les autorités du Royaume à approfondir les réformes et garantir le respect des droits humains. Après le rapport accablant de la fondation Kennedy sur les violations à grande échelle des droits de l'homme dans les territoires sahraouis occupés, c'est au tour de Human Rights Watch de saisir l'opportunité de la visite du président français au Maroc pour l'interpeller sur la question. Elle cite notamment, la récente condamnation à de lourdes peines de prison, par une cour militaire de Rabat, de 25 Sahraouis pour le meurtre de membres des forces de l'ordre lors du démantèlement du camp contestataire de Gdiem Izik, fin 2010. Le président Hollande doit donc à la fois être fidèle à ses déclarations faites lors de sa campagne électorale, que tout ce qu'entreprendra la France en matière de politique internationale se fera conformément aux résolutions du Conseil de sécurité, mais aussi éviter de «contrarier» la démarche algérienne qui abonde dans le même sens. L'Algérie qui n'est pas partie prenante du conflit, mais ne fait que réitérer l'un des principes fondateurs de la diplomatie, à savoir le soutien à tous les mouvements de libération dans le monde, comme de soutenir les résolutions de l'ONU comme les stipulent celles votées par le Conseil de sécurité, notamment la résolution 1514 de juin 1960 qui affirme le droit des peuples coloniaux à l'autodétermination et à l'indépendance. C'est le cas de la question sahraouie, de par sa nature de dossier de décolonisation, qui doit être résolue dans le cadre de la légalité internationale. En somme, tous les regards sont braqués sur le discours que doit prononcer le président Hollande devant le Parlement marocain et dans lequel il doit opérer - à juste titre - un réajustement «révolutionnaire» par rapport à la position traditionnelle de son pays, à l'égard du dossier sahraoui. Une position qui, non seulement ouvrira une nouvelle ère dans les relations France-Maghreb, mais surtout favorisera un climat d'entraide et de solidarité inter-maghrébine.