Maître Farida Djellad, l'avocate de Ben Bella Bousbaâ, directeur commercial à l'usine de ciment de Sour El Ghozlane (Bouira), qui a écopé de trois ans ferme pour complicité de faux commis sur une feuille des impôts de Tizi Ouzou, était plutôt optimiste en attendant de plaider face au trio de magistrats de la chambre correctionnelle de Tizi Ouzou... le trio du mardi, super étoffé avec ce sacré président Abdelhalim Bezaoucha entre ces deux vieux renards du pupitre, Yahia Zitouni, toujours aussi élégamment vêtu et le discret Misraoui Noureddine, l'avocat d'El Harrach. Celui-ci était optimiste sachant que trois juges du siège écoutent et suivent mieux qu'un seul, celui du tribunal dont les ratés, sont pardonnables vu qu'il y a au bout du tunnel... l'appel destiné à corriger d'éventuelles bévues. Maître Aït Ben Ameur, lui aussi, est optimiste. Le pauvre prévenu attendait assis sur un brasier rouge au-dessus de charbons ardents se consumant à l'allure du train-train de l'audience, une audience où l'on note le monstrueux rôle. Ben Bella, le prévenu, savait qu'il était blanc. Il est même blanc en attendant d'être définitivement blanchi par la justice surtout qu'il est toujours en poste à l'usine, que son administration lui fait toujours confiance et qu'elle a même rédigé des écrits en direction des enquêteurs que la seule rigidité des poursuites a poussé vers l'inculpation - voire les inculpations autour de la fraude, du faux achevées par une amende de 500 millions de centimes et un sec trois ans fermes. Le déficit accusé est de plus de 4 milliards de centimes. Benbella aura privilégié certains clients qui n'avaient pas droit à des facilités pour ce qui est de l'achat du ciment, «donc il vous est reproché la célérité dans le non-respect des procédures de vente de ciment», a articulé Bezaoucha face aux deux avocats de Bousbaâ Ben Bella. Le prévenu s'accroche, au contraire, qu'il a respecté toutes les procédures commerciales. «Le client paie par chèque certifié par la banque: ce qui facilite les opérations de cession de marchandise. Quant à la vérification auprès des impôts, je n'ai pas pensé utile de m'informer sur la régularité des documents présentés par les clients!», a-t-il répliqué à la barre et d'ajouter: «Depuis juillet 2005, j'ai toujours opéré de cette manière lorsque le client présente un dossier, je ficèlle comme il faut le tout, en vue de faciliter l'embarquement de la marchandise. J'ai quatre cents poids lourds par mois et trois attestations par an autour de la franchise opérée commercialement parlant. L'attestation de franchise couvre une certaine période de fonctionnement du service.» Et le juge de demander: «Vous connaissez tous vos clients?» Le prévenu n'a pas le temps de réfléchir qu'une autre question fuse: «Vous vous êtes rapproché des impôts de Tizi Ouzou?» Ben Bella dit de suite qu'il y a beaucoup de contrôle au niveau de l'usine. La représentante de l'usine et Maître Daoudi, l'avocat de l'usine, interviennent en faveur du prévenu pour s'étonner de l'existence d'un tel document exigé par les impôts de Tizi Ouzou: l'attestation de l'exonération des impôts. La dame rappelle que l'usine a déposé plainte contre les clients qui ont fraudé. La représentante du registre du commerce a confirmé que beaucoup d'attestations faussement établies ont poussé les responsables à déclencher une profonde enquête minutieuse qui a laissé apparaître que la seule wilaya de Tizi Ouzou occupait le devant pour ce qui est des faussaires. Abdelkader Aïchoune, le procureur général, pose trois questions au prévenu. Le représentant du ministère public cherchait à établir le lien entre les fraudeurs et les responsables de l'usine qui ont affaire à deux cent cinquante clients par jour! Le prévenu va même paniquer quelques secondes devant la précision de la troisième question du parquetier. Les trois magistrats sont tout ouïe. Maître Djellad suit de très près les réponses de son client qui se reprend lorsqu'il rappelle qu'il avait des correspondances aux impôts de Tizi après le passage des contrôleurs des impôts. «Le poids lourd ne quitte l'usine qu'avec mon feu vert»» précise-t-il en martelant qu'il a toujours fait son boulot et qu'il ignorait les faux introduits frauduleusement. Là encore, les juges butent contre des moulins à vent car il est ardu d'établir une quelconque faute de responsables livrés à des tâches gigantesques sans assistants! Devant le harcèlement (recherché) par le procureur général, Ben Bella (re) panique... momentanément. Maître Djellad, le conseil du prévenu pose une question dont la réponse est une perche tendue... au client surtout que le juge rappelle qu'il était bien vu par sa hiérarchie. «Par tout le monde», ajoute le prévenu comme s'il voulait un parapluie sous ce déluge de questions surtout celles débitées par Aïchoune. Plaidant en faveur de l'usine de ciment, Mourad Aoudi remet une requête à la chambre correctionnelle et évoque les trois arrêts de la chambre d'accusation et devant la Cour suprême juste de quoi rétablir l'usine dans ses droits. L'affaire était scindée en deux: une affaire en Assises et la seconde correctionnalisée. «Nous sommes ici ce mardi pour demander à ce que justice soit rendue, surtout que toutes nos entreprises ne sont pas à l'abri de fraudes fiscales sur le dos du Trésor public», s'est écriée l'avocat qui a regretté qu'il n'y ait pas eu d'enquête complémentaire pour aller au bout de la fraude et voir de quoi cela retourne en matière de vigilance au-dessus des registres «arrivée» et «départ». Il ajoute, par ailleurs, que les enquêteurs n'ont pas su que l'usine a d'anciens documents portant comme intitulé «Imtiyez», en langue française: (privilèges) avec des numéros de fax et de l'usine de ciment de Sour El Ghozlane - victime d'escroquerie et de malversations venues du dehors. Debout, le procureur général va se limiter à dire son étonnement devant les plaidoiries des avocats de la partie civile qui ont certainement oublié que toutes les administrations victimes de manoeuvres frauduleuses se doivent de mener des enquêtes. Puis, il passera deux minutes à expliquer pourquoi deux dossiers pour une seule affaire. «Nous n'allons pas entrer dans le monde intérieur de la chambre d' accusation pour nous attacher aux ratés de Ben Bella qui a, par son laxisme et sa complicité de faux, permis un déficit public que nous regrettons tous à tous les niveaux de responsabilité».Il demande 7 ans d'emprisonnement ferme au lieu des 3 infligés par le tribunal. La cimenterie, elle, était du côté de Ben Bella et Maître Daoudi l'a bien souligné lors de sa longue intervention en faveur de l'usine et de son cadre. Oui, du beau boulot.