Au total, les actifs de 38 ministres, y compris ceux du Premier ministre Jean-Marc Ayrault, seront détaillés. Fortement fragilisé par les mensonges de l'ex-ministre du Budget, Jérôme Cahuzac, le gouvernement français dévoile lundi le patrimoine des ministres dans une opération de transparence qui révolutionne les mentalités en France mais suscite le malaise, à gauche comme à droite. Au total, les actifs de 38 ministres, y compris ceux du Premier ministre Jean-Marc Ayrault, seront détaillés. Plusieurs ont déjà commencé à le faire devant des Français parfois médusés, plus habitués à cacher leurs revenus qu'à les étaler sur la place publique dans un pays où le sujet reste tabou. Les Français «parlent beaucoup plus difficilement de l'argent que de la sexualité», résume la sociologue Janine Mossuz-Lavau. Les premières révélations de patrimoines, non vérifiables et non passibles de sanctions si elles sont faussées, suscitent curiosité, scepticisme, humour et surtout beaucoup d'opposition de parlementaires, de la droite à la gauche, appelés à faire de même dans un projet de loi présenté le 24 avril. «Nous irons jusqu'au bout» car «il y a besoin de transparence», a martelé ces derniers jours Jean-Marc Ayrault, en rejetant les critiques. Selon un sondage, la publication des patrimoines est approuvée par 63% des Français. «D'autres pays l'ont fait avant nous et ne s'en portent pas plus mal», a-t-il plaidé. Certains diplomates étrangers, ayant vécu une «opération propre» similaire, en tirent toutefois un sentiment mitigé. «La demande de transparence peut être infinie», souligne l'un d'eux en parlant d'un passage certes obligé dans une démocratie mais «pas très sain» à vivre. Jusqu'à présent, un seul ministre français a reconnu payer l'impôt sur la grande fortune, la ministre de la Santé et des Affaires sociales, Marisol Touraine. Certains ont déclaré un fauteuil d'époque contemporaine de marque (Arnaud Montebourg, chargé de l'industrie), d'autres des bijoux et une petite voiture de plus de 13 ans (Cécile Duflot, Logement), suscitant des interrogations sur son caractère polluant pour une écologiste. La déclaration du patrimoine du chef de la diplomatie française, Laurent Fabius, féru d'art et d'antiquités, est très attendu. A l'instar du ministre de l'Economie, Pierre Moscovici, qui a évoqué «la modestie de son patrimoine», plusieurs députés ou sénateurs ont dévoilé des actifs faibles lorsqu'ils ont anticipé l'effort de transparence. L'ex-Premier ministre UMP (opposition) François Fillon, amateur de bolides de course, a dit posséder un 4x4 et une berline, les deux datant de plus d'une dizaine d'années. «Ce sont des gens très pauvres, vos parlementaires»!, ironise sous couvert d'anonymat un ambassadeur en poste à Paris, en se demandant s'il ne faudrait pas augmenter leurs salaires pour éviter toute tentation du mensonge. De son côté, un député-maire centre droit de l'île de la Réunion, Thierry Robert, a revendiqué 90.000 euros de revenus mensuels, dont 80.000 euros de locations immobilières, en exprimant son ras-le-bol de «payer tout le temps» et en menaçant de «quitter la France» pour l'île Maurice. Rarement unis dans leurs positions, le président socialiste de l'Assemblée nationale Claude Bartolone et le patron des députés UMP Jean-François Copé ont pourtant tous deux mis en garde contre le «voyeurisme» qu'ils voient poindre avec la publication des déclarations de patrimoine.