Fabulateur», «menteur de la République», «immoral», «impardonnable», les qualificatifs utilisés par la presse française et les hommes politiques, de droite comme de gauche, n'ont pas été tendres à l'égard Jérôme Cahuzac. Paris (France) De notre correspondant Ce dernier a reconnu finalement mardi, devant les juges, détenir un compte bancaire en Suisse d'une valeur de 600 000 euros. Cette reconnaissance intervient après avoir nié, des mois durant, l'existence d'un tel compte. A la question : «Avez-vous eu un compte bancaire en Suisse ?», Jérôme Cahuzac a toujours répondu par la négative devant les parlementaires et les médias français. Il a même menti à son propre parti politique et aux représentants de la République. Accablé par le remords, M. Cahuzac a demandé mardi, par le biais de son blog, pardon au président de la République, au chef du gouvernement et à ses anciens collègues. Il a estimé qu'il était pris dans une spirale de mensonges de laquelle il ne pouvait sortir aisément. Démis de ses fonctions depuis trois semaines, il est mis en examen pour blanchiment de fraude fiscale. Sans tarder, Harlem Désir, le patron des socialistes, a annoncé hier son exclusion définitive du parti, tandis que le Premier ministre Jean-Marc Ayrault l'a exhorté à abandonner tout mandat politique national ou local. Mais la charge la plus forte est venue du président Hollande. Dans une déclaration empreinte de colère, il a dénoncé l'erreur «impardonnable» commise par son ancien ministre des Finances. «J'ai appris, hier, avec stupéfaction et colère les propos de Jérôme Cahuzac devant ses juges. Il a trompé les plus hautes autorités du pays. L'Etat, le gouvernement, le Parlement et à travers lui les Français. C'est une faute impardonnable. C'est un outrage à la République», avait commenté M. Hollande hier à l'issue du conseil du gouvernement. Il a ajouté : «La justice poursuivra son travail jusqu'au bout et en toute indépendance. J'affirme que Jérôme Cahuzac n'a bénéficié d'aucune protection, mis à part celle de la présomption d'innocence. Il a quitté le gouvernement à ma demande. C'est un choc ce qui vient de se produire car c'est une atteinte grave à la morale publique.» Et de proposer trois décisions majeures : d'abord le renforcement de l'indépendance de la justice, ensuite la lutte, d'une façon impitoyable, entre les intérêts privés et publics, en assurant la publication et le contrôle du patrimoine des ministres et des haut responsables de l'Etat et enfin l'interdiction à tout élu condamné pénalement pour corruption ou fraude fiscale d'exercer un mandat public. Une erreur «impardonnable», un «outrage» à la République Mardi soir, sur le plateau de France 2, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a vivement critiqué son ancien ministre des Finances, estimant qu'il a maintes fois discuté avec lui sans que celui-ci lui dise quelque chose. Par ailleurs, il a expliqué que l'affaire Cahuzac n'a rien à avoir désormais avec le gouvernement qu'il dirige puisqu'il a été exclu une fois que la mise en examen ait été prononcée contre lui par la justice. Il a aussi défendu «la République irréprochable», estimant que tous les ministres de son gouvernement ont quitté tout mandat pouvant donner lieu à un trafic d'influence et ont rendu public leur patrimoine dès la prise de leur fonction ministérielle. A droite, c'est la consternation totale. Jean-François Copé, président de l'Union pour la majorité populaire (UMP), a accusé F. Hollande et J.-M. Ayrault d'avoir été au courant du scandale Cahuzac et de l'avoir tu. «Soit le président de la République n'a pas été informé de cette affaire, et là c'est grave, soit il l'a caché, et dans ce cas, il aura menti aux Français», avait-il déclaré. Même propos tenus par l'ancien Premier ministre François Fillon, qui a estimé que la «République exemplaire» dont se gargarisait Hollande a pris un sérieux coup. M. Fillon a critiqué sévèrement les socialistes qui, selon lui, se permettent de donner des leçons de moral aux autres sans qu'ils appliquent les mêmes leçons sur eux. Hier, la polémique a enflé lors des traditionnelles questions au gouvernement à l'Assemblée nationale. Alors que l'UMP n'a cessé de critiquer le comportement des membres du gouvernement, et en particulier celui du ministre de l'Economie, Pierre Moscovici, qui aurait, selon la droite, cherché à protéger Cahuzac, le Front national a carrément demandé la démission du gouvernement et la dissolution de l'Assemblée nationale. Ebranlés, F. Hollande et son Premier ministre, J.-M. Ayrault, ont ouvert les portes de l'enfer sur eux. Loin de désenfler, la polémique risque de se transformer en une affaire d'Etat.