Encore sous le choc de l'affaire Cahuzac, le gouvernement français dévoile mercredi de premières pistes pour moraliser la vie publique, avec une lutte accrue contre les conflits d'intérêts et les paradis fiscaux, assorties de sanctions renforcées contre les fraudeurs. Huit jours après les aveux de Jérôme Cahuzac, l'ancien ministre du Budget qui a reconnu avoir disposé d'un compte secret à l'étranger, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault présente devant le président François Hollande et l'ensemble des membres du gouvernement les grandes lignes de ce futur texte. Le texte abouti doit être examiné au Conseil des ministres du 24 avril, avant une adoption par le Parlement prévue avant l'été. Dans un climat politique délétère, sur fond de crise économique et sociale et de sondages désastreux pour l'exécutif, le gouvernement veut à tout prix éviter que les turpitudes de Jérôme Cahuzac, exclu mardi du parti socialiste, éclaboussent l'ensemble de la classe politique. "Les mesures que je suis en train de préparer n'ont pas pour but de stigmatiser mais de garantir aux citoyens la transparence et le contrôle, et pas seulement pour les élus", a ainsi assuré mardi M. Ayrault, qui a toutefois imposé à ses ministres la publication avant le 15 avril de leur patrimoine. Pour préparer ces mesures, l'exécutif a "avancé très vite", souligne l'entourage de M. Ayrault. Il faut dire qu'il y a urgence: après seulement onze mois de pouvoir, François Hollande est en dessous de 30% d'opinions favorables dans les sondages. Parmi les premiers objectifs évoqués, l'obligation pour les ministres, mais aussi les élus, de signaler leur patrimoine, une mesure critiquée, à droite comme à gauche, où l'on redoute un grand déballage. Vie privée contre transparence Gare au "voyeurisme", a lancé le patron de l'UMP (opposition de droite) Jean-François Copé. "Pourquoi ne pas publier le patrimoine de chaque Français", a renchéri le chef des députés de ce mouvement, Christian Jacob. La droite continue de réclamer un remaniement gouvernemental d'ampleur, fermement refusé par le pouvoir. Au-delà des querelles politiques, les réactions d'élus courroucés sont à l'image des Français qui ont généralement du mal à révéler leurs revenus. "Il y a une hésitation légitime à avoir car ce sont des éléments privés qui seront rendus publics. Mais dans toute une série de pays, cette transparence existe déjà et est entrée dans les mœurs", relève une source gouvernementale. Sans attendre la date du 15 avril, des ministres ont déjà franchi le pas et publié leur déclaration, comme à droite l'ancien Premier ministre François Fillon. Si ces déclarations ne peuvent à elles seules empêcher les fraudes, elles doivent permettre, selon les services du Premier ministre, de fournir des informations qui ensuite faciliteront contrôles et recoupements. Le texte gouvernemental viserait aussi à mettre fin aux conflits d'intérêts, autrement dit au cumul de certaines activités professionnelles, comme celle d'avocat d'affaires, avec l'exercice d'un mandat de parlementaire. Autre front ouvert, la lutte contre la fraude fiscale et les paradis fiscaux. Le gouvernement a noté "l'esquisse d'un mouvement" au Luxembourg, qui s'est dit prêt à réduire partiellement son secret bancaire. Paris milite en outre pour la mise en place au niveau européen d'échanges automatiques d'informations. Le ministre Arnaud Montebourg veut aller plus loin et faire "pression" pour obtenir "les noms" de titulaires français de comptes offshore en Suisse ou ailleurs. Le ministre délégué au Budget Bernard Cazeneuve a lui assuré que le gouvernement ne mettrait pas en place de "cellule de régularisation" ni de plan d'"amnistie" pour les fraudeurs. Il a même demandé à la presse de transmettre à la justice les fichiers "offshore leaks" qu'elle a en sa possession, selon lesquels quelque 130 Français disposent de comptes dans des paradis fiscaux.