En France, comme en Algérie, l'issue de la prochaine présidentielle est une grande inconnue. A mesure que l'échéance électorale approche, la presse française montre un intérêt un peu plus pressant aux joutes politiques algériennes. Contrairement aux précédentes présidentielles, les commentaires se sont fait très rares et le ton moins virulent. La «neutralité» de l'armée algérienne laisse ouverts tous les pronostics et perturbe les grilles d'analyse, aussi bien en France qu'en Algérie, Bouteflika n'est pas «le favori». Sous le titre «Bouteflika prêt à y aller», Le Parisien se demandait, dans son édition d'hier, si «Bouteflika lâché par ceux qui l'avaient fait roi (est) condamné à la retraite.» La journaliste du quotidien donne beaucoup de crédit à la promesse de neutralité de l'armée affirmée par son chef d'état-major, le général Mohamed Lamari. A Paris, il devient de plus en plus certain que Bouteflika a été lâché par les généraux. Les ennemis du président sortant en sont persuadés. Pas ses partisans qui demeurent convaincus qu'il sera «réélu dans un fauteuil», en cas d'élection transparente. Le suspense, qui entoure la candidature n'en est pas un pour le journal qui ne doute pas que «Bouteflika brûle d'envie de rempiler pour un second mandat». Selon lui, le président sortant «dispose d'atouts sérieux dans la course à la présidence: un charisme certain, l'appui de l'administration et du ministère de l'Intérieur, tenu par l'un de ses proches, Yazid Zerhouni». Le Parisien ne donne pas d'indication sur la position de l'Elysée. Il se contente de rapporter la certitude des partisans de Bouteflika qui lui accordent le bénéfice du soutien de la communauté internationale. «Mais, comme toujours en Algérie, rien n'est simple», lâche la journaliste qui voit dans le candidat officiel du FLN, Ali Benflis, 59 ans, soutenu par de très actifs comités de soutien, le «seul adversaire sérieux.» Le «front anti-fraude» des «onze» complique encore la lecture du paysage préélectoral algérien. Le quotidien Libération, lui, a choisi de revenir sur la lettre d'Abdelaziz Bouteflika à Georges W.Bush. «Washington arbitre du scrutin algérien», affirme le journal selon lequel «les Américains peuvent se targuer d'être entendus par Alger», une semaine après la visite de l'Américain Lorne Craner. Les déclarations du secrétaire d'Etat-adjoint chargé des droits de l'homme, en faveur d'élections «libres et honnêtes» et ses critiques sur les faibles normes démocratiques algériennes, «ont passablement inquiété les autorités algériennes persuadées que le 11 septembre 2001 et le pétrole avaient solidement scellé leur «amitié» avec Washington.» La journaliste de Libération fait remarquer que l'Europe, et particulièrement la France, n'ont jamais osé franchir un tel pas. La rapidité avec laquelle Bouteflika a tenté de rassurer les Américains «n'est évidemment pas innocente.» Abdelaziz Bouteflika espère faire d'une pierre deux coups, écrit Libération. «Il entend d'abord couper l'herbe sous le pied de ses concurrents, d'autant que les analyses de ces derniers ont été jugées «cohérentes» par Lorne Craner. Il s'agit ensuite pour le président algérien de convaincre Washington de sa bonne foi démocratique et donc du fait qu'il est le «meilleur» candidat.» L'adoubement des Américains, comme celui des Français, reste le principal argument susceptible d'empêcher les généraux de s'opposer à son second mandat. En tout état de cause, le recours aux observateurs internationaux n'aura pas beaucoup de sens, vu le délai très court avant le scrutin. La médiatisation de la saisie d'importantes quantités d'armes dans l'extrême Sud algérien serait une contre-offensive des militaires qui voudraient signifier aux Américains que «l'armée demeure au final le seul «vrai» rempart contre l'infiltration des terroristes de tout poil, non seulement en Algérie, mais dans tout le Sahel». Il y a quelques jours, c'est Le Monde qui avait consacré une pleine page à la présidentielle algérienne. «En Algérie, les généraux lâchent le président-candidat Bouteflika», affirmait-il sur toute une largeur de manchette. L'envoyé spécial du quotidien Parisien du Soir est également frappé par ce «quelque chose d'inédit» qui se passe en Algérie. «Le chef de l'Etat veut solliciter un second mandat en dépit de l'hostilité de son «parrain» - l'armée qui l'a porté au pouvoir, il y a cinq ans.» Les jeux seraient faits. «A trois mois du scrutin (...), le président-candidat ne peut compter, non plus, sur l'appui de l'ex-parti unique ni sur celui du syndicat officiel l'Ugta...» Ce dernier fait preuve, il est vrai, d'une prudence inhabituelle. Le Monde trouve plusieurs raisons à l'hostilité de l'armée à l'égard de Bouteflika: «Son comportement autocratique, son caractère difficile agacent plus d'un galonné. S'y ajoute le projet secret prêté au président de «les mettre au pas», d'en mettre quelques-uns à la retraite et de réduire les privilèges des autres en cas de réélection.» Selon le journaliste, l'armée n'a jamais digéré la «grâce amnistiante» accordée par le président aux groupes armés, alors que les militaires avaient «négocié leur reddition.» Si tous ces «bruits» se confirment «pour la première fois dans l'histoire de l'Algérie, il faudra attendre le soir du second tour pour connaître le nom du vainqueur.» De notre Bureau à Paris