Alors que Washington, faute d'ADM, remet à l'ordre du jour la piste Al-Qaîda, un nouvel attentat sanglant secoue la région de Bagdad. Iskandaria, ville située à 45 km de Bagdad, a été secouée hier matin par une violente explosion. Selon les informations en provenance des lieux de l'attentat, un premier bilan indique le chiffre de 50 à 70 morts et plus de 150 blessés, bilan non confirmé en fin de matinée par des sources officielles. Toutefois, la seule certitude est que l'explosion, qui s'est révélée être celle d'une voiture piégée placée devant le commissariat de la ville, a induit un grand nombre de victimes. Ainsi, la police irakienne est encore une fois la cible d'opérations à la voiture piégée qui ont induit de nombreuses victimes dans les rangs des services de l'ordre irakiens. Certes, les effectifs de la police s'étoffent chaque jour, mais cette dernière manque cruellement de moyens comme l'indique un responsable de la police irakienne selon lequel «Sans appareils de communication modernes, le QG de la police de Bagdad ne peut se renseigner sur la situation sécuritaire dans les provinces reculées». De fait, la police irakienne est totalement démunie de moyens qui sont ceux de ses collègues américains et britanniques et demeure l'un des objectifs de la résistance irakienne, une résistance, dont l'armée d'occupation américaine affirmait l'essoufflement, mais qui semble toujours aussi pugnace et aussi prégnante malgré les pertes subies dans ses rangs et les arrestations de nombre de ses éléments. Ce nouvel attentat meurtrier de la guérilla irakienne infirme, en fait, l'optimisme de façade dont faisaient montre les officiels militaires américains quant aux progrès réalisés pour un mieux sécuritaire en Irak. Les derniers attentats démentent ces assertions et indiquent, en revanche, que la situation sécuritaire en Irak demeure tout aussi précaire qu'au début de l'occupation américano-britannique. En fait, la situation n'a cessé de se dégrader au grand préjudice des Etats-Unis pris au piège d'une guérilla dont ils ne savent comment se dépatouiller. Déstabilisé par l'affaire des introuvables armes de destruction massive (ADM) irakiennes, principale motivation de l'invasion de l'Irak, Washington tente un palliatif en exhumant la piste d'Al-Qaîda. Perche tendue lundi par le New York Time qui revient sur la question en révélant un document de 17 pages écrit, selon le journal new-yorkais, par Abou Moussab Al-Zarkaoui, l'un des hommes les plus recherchés par les Etats-Unis pour ses liens présumés avec Al-Qaîda, et dans lequel celui-ci, affirme le New York Time, «appelait les militants du réseau Al-Qaîda à agir en vue de susciter des violences inter-communautaires (en Irak)». De fait, les Etats-Unis faisaient porter aux islamistes irakiens la recrudescence des attentats contre des dignitaires religieux chiites et sunnites. Le général américain Mark Kimmitt, commandant d'une unité à Bagdad, a saisi au vol les révélations du New York Time pour dire que ce document était «crédible» indiquant «Il est clair qu'il existe un plan de la part d'éléments extérieurs pour déclencher la guerre civile» en Irak. L'occasion également pour le secrétaire d'Etat américain, Colin Powell, de surenchérir revenant sur des déclarations antérieures indiquant «Cela donne, je pense, du crédit à ce que je j'avais dit devant l'ONU l'an dernier, sur le fait qu'Al Zarkaoui était actif en Irak pour faire des choses qui aurait dû être connues des Irakiens (avant le déclenchement du conflit en mars 2003)» Toutefois, circonspect, Colin Powell, indique par ailleurs «nous cherchons encore ces connexions et à prouver ces connexions» (entre Saddam Hussein et Al-Qaîda). En fait, à défaut d'ADM, une connexion Saddam Hussein-Al-Qaîda, ferait encore l'affaire, et légitimerait, a posteriori, leur inqualifiable invasion de l'Irak, pour les Américains toujours sous le coup de la tragédie du 11 septembre 2001, et pour lesquels tout ce qui n'entre pas dans les normes et le moule américains est catalogué de terroriste. Au demeurant tous ceux soupçonnés d'antiaméricanisme entrent dans cette catégorie, à l'instar des anciens dirigeants du Baas irakien, recherchés comme tels, et dont seuls 12, parmi la liste initiale de 55 personnalités irakiennes publiée par Washington, sont encore dans la nature, dont Ezzat Ibrahim Al-Douri, ex-numéro deux du régime baassiste, toujours en cavale. Ce qui n'est plus le cas pour Mohsen Khodr Al-Khafaji (numéro 48 sur la liste) ancien chef du Baas de la région d'Al Qadissiyah, qui s'est rendu samedi aux forces d'occupation de la coalition, reddition annoncée lundi par les Américains. Ce petit succès n'altère en rien, cependant, le fond du problème qui demeure l'inexistence des armes de destruction massive irakiennes sur lesquelles le monde ne cesse de s'interroger. Tirant une première indication des introuvables ADM, l'ambassadeur de la Russie auprès de l'ONU, Sergueï Lavrov, a déclaré lundi que cette absence «renforçait la crédibilité de l'ONU» indiquant «La commission de contrôle d'enquête et de vérification (Cocovinu) disait qu'il n'y avait pas (en Irak) de signe de stocks d'armement ou de reprise des programmes» ajoutant: «Hans Blix (le chef des inspecteurs en désarmement) était très direct: il disait que l'Irak coopérait pleinement et qu'il fallait deux ou trois mois pour pouvoir arriver à une conclusion» relevant aussi «C'est exactement ce que les Etats-Unis disent aujourd'hui» avant de conclure «Le Conseil de sécurité n'a jamais dévié et a gardé sa confiance dans les rapports que faisaient les inspecteurs: la crédibilité de l'ONU n'a pas souffert, au contraire elle a été renforcée». Cette déclaration, en forme de mise au point de l'ambassadeur russe, enfonce un peu plus les Etats-Unis dont il devient aujourd'hui évident que les ADM n'étaient pas la seule cible, sans doute, couvraient-ils (les ADM) d'autres objectifs qui restent inavoués, donnant aux Etats-Unis de déclencher une guerre illégitime contre le peuple irakien.