Des dizaines de morts tel est le premier bilan des attentats qui ont secoué hier la capitale au premier jour de Ramadan. C'est un début de jeûne sanglant qu'ont vécu hier les Bagdadis encore sous le choc des cinq attentats quasi simultanés qui ont secoué Bagdad dès les premières heures de la journée. La première explosion a visé le siège de la Croix-Rouge internationale occasionnant une dizaine de morts et de nombreux blessés. Presque au même moment et dans un autre quartier de la capitale irakienne, un attentat est perpétré contre un commissariat de police. Huit personnes sont tuées. Un autre commissariat de la ville a été attaqué, d'où quatre corps sont retirés des décombres. Au total cinq attentats ayant eu pour cibles quatre postes de police et le siège du Comité international de la Croix-Rouge (Cicr) ont été dénombrés selon un officier militaire américain, le général Mark Hertling, selon lequel, une série d'explosions étaient survenues sans donner plus de détails. La veille, c'est le plus célèbre hôtel de Bagdad, le Al-Rachid, qui a été visé alors que s'y trouvait encore le secrétaire adjoint à la Défense américain, Paul Wolfowitz, un des faucons et l'un des «idéologues» des néo-conservateurs américains. C'est dire que l'opposition armée irakienne, outre qu'elle devient audacieuse, semble maintenant cibler plus clairement les Irakiens qui collaborent avec les forces d'occupation de la coalition. En effet, quatre commissariats de police figuraient parmi les cibles des attaques d'hier. De fait, dans leur grande majorité, les victimes de ces attentats sont des Irakiens, (outre la vingtaine de morts, plusieurs dizaines de blessés ont été recensés). Il semble toutefois que le nombre des victimes aurait été plus lourd, s'il n'y avait eu ce décalage des horaires de travail dû au Ramadan, qui débutait hier en Irak, comme un peu partout dans le monde musulman. En effet, au moment des attentats, à 9 heures du matin (7 heures en Algérie), les travailleurs commençaient seulement à rejoindre leurs lieux de travail. Selon les déclarations des témoins, au moins deux voitures piégées, dont une ambulance, ont été lancées contre les murs du siège de la Croix-Rouge internationale. Même cas de figure pour au moins deux commissariats où des voitures ont été utilisées contre les postes de police. Sur les cinq attentats recensés hier à Bagdad, trois au moins sont dus à des attentats-suicide. Une porte-parole du Cicr, Nada Doumani, encore sous le choc des attentats, affirme qu'il y a eu des victimes, sans cependant préciser le nombre de morts et de blessés et déclare: «Bien entendu, nous ne comprenons pas pourquoi quelqu'un s'en prendrait à la Croix-Rouge. C'est très difficile à comprendre», souligne-t-elle. Qu'y a-t-il à comprendre, sinon que l'Irak est maintenant bel et bien plongé dans les affres de la guerre avec tout ce qu'elle induit comme horreurs et malheurs pour le peuple irakien seule victime de la situation créée par la coalition américano-britannique. La recrudescence des attaques anti-américaines, qu'elles soient le fait des débris de ce qui reste du régime de Saddam Hussein, comme le soutiennent des membres du Conseil transitoire irakien de gouvernement, celui des islamistes ou d'autres groupes d'autodéfense irakiens, indique surtout l'échec patent de la politique de la force prônée par l'administration Bush laquelle, après plus de six mois de présence en Irak, n'a en fait réalisé aucun des objectifs qu'elle s'est assignée et par lesquels a été justifiée l'occupation de l'Irak. Ainsi, les armes de destruction massive, que détiendrait l'Irak, sont toujours introuvables, alors que la situation sécuritaire loin de s'améliorer sous la coupe des forces d'occupation américano-britanniques ne cesse, a contrario, de se détériorer. De fait, les kamikazes et opposants irakiens donnent l'impression de pouvoir frapper à tout moment, y compris au coeur des forces de la coalition, comme ce fut le cas dimanche dans l'attentat de l'hôtel Al-Rachid, le lieu le mieux protégé à Bagdad réservé aux hauts dignitaires et aux personnalités en visite en Irak, comme cela a été le cas pour le secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld, au début du mois d'octobre, et à son adjoint, le numéro 2 du Pentagone, Paul Wolfowitz, ce dimanche. Ce qui indique que les Américains ne sont pas à l'abri même dans leurs antres les mieux sécurisées. Le secrétaire adjoint à la Défense, Paul Wolfowitz qui a échappé par miracle à l'attentat contre l'hôtel Al-Rachid, qui a fait un mort et dix-sept blessés, en a fait le constat. La série d'attaques anti-américaine d'hier, y compris celles contre les commissariats irakiens, indique en fait que les Etats-Unis s'enfoncent lentement dans un nouveau Vietnam. Aux Etats-Unis même les Américains commencent à s'interroger sur les réalités de la situation en Irak et surtout sur les mensonges, dont serait coupable l'administration Bush, comme l'ont laissé entendre les milliers de manifestants, jeudi dernier à Washington, qui criaient «Bush menteur». A son tour le sénateur républicain de premier plan et ancien candidat à la présidence, John McCain, se demande, lui aussi, si l'administration Bush n'est pas en train de mentir au peuple américain, faisant ainsi un certain parallèle avec ce qui s'était passé au Vietnam, notamment au niveau «des informations diffusées par l'administration par rapport à la situation actuelle sur le terrain» comme il l'indique dans un entretien à l'hebdomadaire Newsweek, à paraître aujourd'hui, soulignant: «Je n'affirme pas que la situation en Irak est aussi mauvaise qu'elle ne l'était au Vietnam, Mais nous avons des difficultés dans le triangle sunnite et nous devons y faire face et informer le peuple américain.» Certes, le sénateur reproche surtout à l'administration Bush de ne pas tout dire au peuple américain, qui commence à douter de la sincérité de ses dirigeants, d'autant plus que la situation semble plus sombre que les porte-parole de l'administration Bush ne veulent bien l'admettre.