Cela fait toujours plaisir, quand on a la parabole, de voir ce que l'on ne risque pas de voir sur notre unique chaîne nationale, c'est-à-dire un sujet qui touche à l'histoire ou à l'actualité nationale éludée par la «voix de son maître» et jetée aux oubliettes. Le plaisir est encore plus grand, quand le sujet est dit par une personne marginalisée, exilée du pays par la menace terroriste. Alors, on atteint le Nirvana, quand la personne est une vieille «connaissance» c'est-à-dire un ancien militant du mouvement national qui s'exprime dans un parler simple et familier. Berbère Télévision, c'est de cette chaîne qu'il s'agit, invite sur ses plateaux pour débattre des personnalités algériennes qui n'ont pas l'occasion de s'exprimer dans la presse écrite ou audiovisuelle. Le 13 février, cette chaîne généraliste a invité à débattre, Sadek Hadjerès, ancien militant du PPA (il a claqué avec Bénaï Ouali la porte du futur parti unique), militant du PCA, il se réfugia avec Boualem Khalfa et Bachir Hadj-Ali dans la clandestinité, dès le début de la répression coloniale. Interdit d'activité dès 1962, lui et quelques-uns de ses compagnons se réfugieront dans la clandestinité pour avoir dénoncé le coup d'Etat du 19 juin 1965. C'est d'une voix douce, mais sûre, que cet homme, un peu vieilli, et dont la physionomie tend vers celle d'un Lenine vieilli (calvitie et bouc), qu'il énumère ses diverses prises de position. Plus homme de plume que tribun, il s'exprime aisément en kabyle et en français. Il raconta qu'il écrivit une lettre à Boumediene où il lui fit remarquer qu' «il ne faut pas prétendre bâtir une société socialiste en emprisonnant et en torturant des militants socialistes...». Boumediene répondra par une allusion faite à l'occasion d'un meeting au «Majestic». Il vivra la création d'Ettahadi comme une trahison. «Le PAGS est le continuateur du PCA alors qu'Ettahadi ne l'est pas». «Nous avons soutenu ou critiqué des orientations, jamais les hommes...», continuera-t-il. Il conclura en affirmant avec regret que les dirigeants arabes, «pour garder le pouvoir, soutiennent ou créent des mouvements islamistes; dès qu'un mouvement social se dessine, ils organisent des marches pour demander l'arabisation ou la défense de l'Islam, comme cela s'est fait en 88». Voilà des témoignages dignes d'éclairer le citoyen sur l'histoire du pays. Voilà une chaîne qui, à côté des reportages mal ficelés et des chansons oubliées, est bien utile pour exister en face de l'Unique.