Le conflit syrien, nonobstant tout ce qui tourne autour du dossier, met en pleine lumière le cynisme et le double langage de ladite «communauté internationale» et des dérives de plus en plus curieuses de l'Organisation des Nations unies. Censés veiller à instaurer la paix et à tout mettre en oeuvre pour rapprocher les positions des belligérants, l'ONU, l'Occident et les monarchies du Golfe - du moins dans le cas de la Syrie - n'ont cessé depuis le déclenchement du conflit en mars 2011 de mettre de l'huile sur le feu, comme de soutenir sciemment l'une des parties. La décision de l'Union européenne de lever l'embargo sur les armes pour la rébellion syrienne - au moment où des efforts sont fournis pour tenter de faire rencontrer les autorités de Damas et leur opposition armée - est tout ce que l'on veut sauf une incitation à favoriser cette recherche de paix qui devait être leur premier et dernier objectif. Entre-temps, l'hécatombe qui décime le peuple syrien se poursuit. Le deuxième fait qui jure avec les missions qui auraient dû être celles de l'ONU, est le projet de résolution examiné (hier) par le Conseil des droits de l'homme (CDH-ONU) dans l'optique de condamner «l'intervention de combattants étrangers» en Syrie. Normal? Certes oui! Il était temps que l'ONU se remue un peu et se penche sur les légions étrangères qui tuent dans l'impunité les Syriens depuis deux ans. Non, vous n'y êtes pas! Et pour cause. On comprend mieux lorsque l'on saura que le projet a été déposé par les Etats-Unis, la Turquie et...le Qatar afin de faire condamner «l'intervention de combattants étrangers» à... Qousseir, ville syrienne où se bat l'armée syrienne appuyée par des combattants du Hezbollah libanais. Ceci explique cela! Le texte vise donc le Hezbollah et condamne, par ricochet, un Etat souverain, du fait qu'il ait fait appel à l'aide de combattants amis. Ce ne sont donc pas les phalanges islamistes, recrutées par le Qatar et l'Arabie Saoudite, qui font, depuis mars 2011, des carnages en Syrie qui sont visées ou qui préoccupent les initiateurs du projet de résolution soumis au CDH-ONU. On pouvait ainsi s'attendre à ce que l'ONU - et son Conseil des droits de l'homme - condamne la présence de légions jihadistes en Syrie. Eh, bien, il n'en est rien! Silencieux depuis des mois sur ce dossier, le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, se disait en début de semaine, «profondément inquiet» face au rôle grandissant du Hezbollah dans la guerre civile en Syrie. Les rôles sont désormais inversés; un Etat souverain ne peut plus se défendre face à une rébellion et à une déstabilisation organisée, voire dirigée, de l'étranger. C'est symptomatique de ce renversement des rôles et du double standard qui qualifie désormais les choses, quand des rebelles sont encensés et le pouvoir légal - qui se défend - condamné. Cela est inacceptable dès lors que le Conseil des droits de l'homme et l'ONU ne sont plus dans leur responsabilité quand ils prennent fait et cause pour une partie. Or, si condamnation il devrait y avoir, elle doit toucher tous les intervenants étrangers et en premier lieu les jihadistes islamistes, armés et financés par le Qatar, appuyés par la Turquie et les Etats-Unis qui, justement, parrainent le projet de résolution condamnant le Hezbollah, oubliant d'en faire de même pour les rebelles et mercenaires qui agissent en Syrie. Ce n'est plus le deux poids, deux mesures, c'est surtout le fait que la puissance est désormais mise au service des mauvaises causes. Comme, on ne peut comprendre que deux pays, la France et la Grande-Bretagne, aient pu imposer aux 25 autres membres de l'Union européenne la levée de l'embargo sur les armes quand on pouvait s'attendre à ce qu'ils mobilisent leur puissance et leur influence au service de la paix, comme de trouver le moyen de contraindre les belligérants à s'asseoir à la même table. Il est manifeste que face au bellicisme de Paris et de Londres, qui défendaient d'abord leur leadership, le chef de la diplomatie autrichienne, Michael Spindelegger qui a jugé qu'envoyer des armes dans une zone de conflit était «contraire aux principes» de l'Europe, qui est «une communauté de paix», ne pouvait être entendu. Hélas pour l'Europe! Cela explique en fait son peu de poids dans les affaires du monde. Aussi, outre le double standard ainsi mis en avant, ce sont le droit international et les droits de l'homme qui sont détournés de leur signification première pour être mis au service de stratégies de domination. La Libye hier, la Syrie aujourd'hui en donnent une démonstration en grandeur nature!