Après trois années de pratique, le professionnalisme en Algérie a donné ses premiers fruits. Des fruits amers, résultant d'une compréhension fausse et hors normes du professionnalisme dans le sport. L'instauration du professionnalisme - pratique qui, pour le moment, ne touche que le football à ses deux premiers paliers - se voulait porteuse d'une ère nouvelle de fonctionnalité administrative et sportive par l'élévation du niveau de la pratique sportive, d'une part, par l'organisation des clubs sportifs en sociétés compétitives qui, à terme, s'autofinanceront, d'autre part. Ce n'est pas le chemin pris par la manière avec laquelle le professionnalisme est pratiqué depuis trois ans. Trois ans est une étape assez longue pour faire, sinon un premier bilan, du moins situer les carences qui empêchent l'avènement du professionnalisme sportif, alors que, jusqu'ici, le seul centre d'intérêt de ces «réformes» se réduit au salaire anormal alloué aux footballeurs, en sus des primes y afférentes. C'est très peu et ne traduit pas la révolution qu'aurait dû induire la rupture avec des pratiques obsolètes de gestion et d'organisation. A part le salaire des footballeurs, qu'est-ce qui a changé depuis trois ans? Quelle administration dirige les clubs, de quel budget de fonctionnement dispose-t-elle? Combien de centres de formation ont vu le jour? Combien de stades sont (devenus) la propriété des clubs? Des milliards de dinars sont investis à perte dans des joueurs - pour tout dire très onéreux - qui auraient été mieux employés à faire se conformer le club avec la notion de professionnalisme et les nouvelles normes de travail. Le fiasco des Sspa (Société sportive par action) à entrer dans le professionnalisme est dû essentiellement au fait de la «pérennité» de présidents qui, malgré une incompétence avérée, continuent d'imposer leur dictature sur l'entourage de la Sspa. Ils prennent en fait en otage le club qu'ils dirigent - souvent depuis plus de deux décennies - auquel ils n'apportent ni expérience, ni plus-value, ni finances qui auraient permis à la nouvelle société sportive de mettre en place son organigramme et les instruments et moyens lui permettant de s'engager avec des atouts la qualifiant à initier le professionnalisme tel qu'il est compris et pratiqué ailleurs dans le monde. Nous n'en sommes pas là. Le professionnalisme tel qu'il est conçu dans notre pays est d'abord et avant tout un business qui rapporte, ou peu rapporter, gros. On ne comprendrait pas autrement pourquoi des hommes en décalage avec les nouvelles règles de la pratique sportive veulent se maintenir coûte que coûte. Or, le changement ne peut se faire avec des hommes qui ont confirmé leur inaptitude au long des années. En fait, l'argent a dénaturé le football et son environnement quand n'importe qui, pour peu qu'il dispose d'une cagnotte bien remplie, peut se retrouver parachuté «président» détenant le pouvoir de vie et de mort sur le club. Des hommes n'ayant aucun rapport avec le sport, incompétents mais riches, se retrouvent ainsi propulsés à la tête de clubs sportifs. C'est celle-là la logique absurde et biscornue avec laquelle fonctionne actuellement le professionnalisme en Algérie. A coups de milliards on construit «l'équipe de rêve» - c'est-à-dire le dernier étage de l'édifice - alors que les fondations n'existent toujours pas. Les grands clubs dans le monde ont d'abord, construit leurs fondations avant de songer à avoir «l'équipe de rêve». Si ces dérives ont été possibles, c'est aussi du fait que les instances du sport d'une manière générale - ministère et DJS - ceux du football en particulier - FAF et LNF - n'ont pas été à la hauteur de leur mission et de leur responsabilité. Depuis trois ans, les clubs du football professionnel sont devenus des gouffres à finance et ne survivent que grâce aux subventions que leur allouent l'Etat - MJS, DJS, wilaya et APC. Ce qui amène la question subsidiaire: sur quel budget les clubs puisent-ils pour offrir un salaire de 300 millions de centimes à leurs «cadres»? Comment un club qui ne dispose pas d'un budget de fonctionnement, dûment établi, peut-il gérer une manne salariale mensuelle estimée à plusieurs milliards de centimes? Est-ce normal? C'est la question que devront se poser les autorités sportives et financières du pays!