Je ne sais pas si vous êtes comme moi, une ménagère qui a 50 ans et qui a passé sa vie, c'est-à-dire les quelques rares moments de loisir que j'ai eus au sortir de l'adolescence, à regarder les émissions de propagande diffusées par l'unique. Au début, j'étais bête, je croyais tout ce qu'on me disait. J'avalais toutes les couleuvres qu'on me présentait. Naïve que j'étais. J'aimais bien, dans le temps, l'émission «Lumière sur les wilayas» réalisée par des journalistes chevronnés comme le regretté Mahmoud Maïdat, où l'on voyait, wilaya par wilaya, commune par commune, entreprise par entreprise, le pays se construire, s'édifier. Je me voyais déjà, comme dit la chanson, dans un bel appartement, bien meublé, avec une voiture et un mois de vacances au Club des Pins chaque année. Dans cette émission, il leur arrive de dénoncer des négligences de responsables locaux, de directeurs d'entreprises. Quelque temps après, on apprenait que ces personnes indélicates ont été promues : c'est vous dire. J'appréciais aussi «El-Ardh ouel fellah» d'Ahmed Wahid, où entre deux façons de greffer un palmier, on vous glissait l'image idyllique d'un village socialiste agricole flambant neuf avec en sus des interviewes de paysans aux anges qui remercient le ciel et Boumediene. Il y a aussi la séquence d'archives où Boumediene remet les titres de propriété et les clés du royaume, à côté d'un chadi sceptique. Il y avait aussi les innombrables émissions (en noir et blanc) sur dix années de réalisations industrielles, les plans quadriennaux, les programmes spéciaux. Et je gobais tout. Dans les années 1980, tout ce que j'avais vu en noir et blanc fut détruit en couleur. Patatras! Et maintenant, quand on a le culot de présenter «Min indjazate el djazaïr», une émission sur les «réalisations algériennes» où l'on voit un immense complexe d'immeubles haut de 15 étages, des interviewes de bénéficiaires qui n'espéraient pas tant, des cadres qui vous mitraillent des chiffres et de dates sur un ton monocorde, pas convaincu, pas convaincant! On devrait refaire des émissions sur les réalisations inaugurées il y a 25 ans pour voir dans quel état elles sont. Pour les réalisations vantées actuellement, on en reparlera dans 15 ans, quand les ascenseurs tomberont en panne, quand la peinture ne sera qu'un lointain souvenir et que les ordures balancées des 15 étages joncheront des parterres non fleuris. Décidément, rien n'a changé! Si, le journaliste et...le Président.