Moussa Haddad, Nabila Rezaig de l'Aarc et la productrice Amina Haddad Les années lui ont rajeuni les idées et son cinéma est toujours intact. Un film de Moussa Haddad, le réalisateur du film le plus populaire du cinéma algérien «Les Vacances de l'inspecteur Tahar» est toujours un événement cinématographique et quand une avant-première est organisée pour présenter son dernier film Harragas Blues, les choses ne sont pas faites à la légère. Affiche géante du film avec portrait du réalisateur, entrée sur invitation, service de sécurité de l'Oref sur les dents et une équipe de communication de l'Aarc (Productrice du film) très bien organisée. Bref, on a tous les ingrédients pour une avant-première de qualité pour un film très attendu. Et contrairement à ses confrères réalisateurs, Moussa Haddad ne fait pas de film chaque année. Ahmed Bedjaoui qui a présenté le réalisateur lors de l'ouverture le regrette d'ailleurs. Moussa (pour les intimes) prend son temps et surtout affûte son scénario et sélectionne scrupuleusement ses comédiens. Moussa Haddad qui a plus de 76 ans n'a pas perdu la main ou plutôt la vision cinématographique qui était sienne quand il avait réalisé Les enfants de Novembre ou encore Les vacances... Le seul assistant algérien que Gillo Pentecorvo avait accepté à ses côtés lors du tournage de La Bataille d'Alger et qui fût assistant de Luchino Visconti pour le film L'Etranger et d'Enzo Petri dans Trois pistolets contre César, le premier western algérien coproduit par l'Algérie, n'a pas perdu son talent avec l'âge. Mieux encore, les années lui ont rajeuni les idées et son cinéma est toujours intact. 14 ans séparent ces deux derniers films Mad In et Harragas Blues. Ces films respirent à fond la jeunesse algérienne et on est forcément étonné que Moussa Haddad ait pu garder les idées si branchées car la jeunesse et la musique actuelle font partie des apports indispensables pour sa dernière filmographie. Dans Mad In Moussa Haddad avait fait sortir la jeunesse algérienne en 1999 d'une longue et terrible décennie noire pour faire un film déjanté mais bien branché, transcendé par le Death metal de Litham et envoûté par la douceur de Souad Massi. Dans Harragas Blues, Moussa Haddad a recréé l'ambiance rythmée du blues dans une Méditerranée déchaînée dans quelques grammes d'amour, en s'appuyant sur une musique dénoyée dans les sables de l'Ouest de Lotfi Attar, le Eddie Van Halen algérien. A travers ce film, Moussa Haddad voulait montrer une Algérie moderne, avec des images de paysage sublimes et une jeunesse souriante qui perd son éclat en visant l'eldorado espagnol. Au moment où Moussa Haddad écrivait son scénario, il y a environ 4 ans, l'Espagne n'était pas touchée encore par la crise économique. Quoi qu'il en soit ce n'est pas le propos, ni l'objectif du réalisateur qui n'a pas voulu faire un film sur les harraga à destination d'un public étranger. Moussa Haddad qui, à travers la tentative malheureuse de Zine d'émigrer clandestinement par la mer pour atteindre l'Espagne, n'a pas voulu s'attarder sur le parcours d'un voyageur clandestin, ni de montrer sa vie malheureuse. A contre champ du film Harraga de Merzak Allouache, Moussa Haddad a voulu démontrer qu'un jeune issu d'une famille modeste possédant un véhicule et menant un train de vie très cool, pouvait lui aussi être victime de ce phénomène social. Sur les deux heures du film, Moussa Haddad n'a accordé qu'environ 15 minutes à la situation dramatique des harraga entre l'attente dans la grotte et la traversée de la mort. Le reste, le réalisateur l'a consacré à l'amour, la famille et les liens très forts qui peuvent sauver une vie et changer un destin. Le réalisateur des Vacances de l'inspecteur Tahar qui avait été le premier publicitaire du tourisme algérien reste encore le meilleur défenseur de la belle vie en Algérie. C'est un cinéma lisse, qui déplaît à certains, mais qui redonne le sourire aux Algériens qui, après 20 ans de terrorisme, ont besoin de vivre dans le pays en construisant l'avenir avec leurs mains et leur esprit. Moussa Haddad, qui reste le meilleur directeur d'acteur en Algérie, avec Belkacem Hadjadj, a une nouvelle fois découvert de nouveaux talents à l'image des deux comédiens principaux: Karim Hamzaoui et Zakaria Ramdane, qui ont épaté par leur jeu et aisance dans l'action. A cela s'ajoute la grâce de Mouni Boualem. Mais le film a aussi donné de grands moments de dramatique des anciens: Ahmed Benaissa, très Mastroianni dans le rôle du père, Hassen Benzerari toujours aussi présent ou encore Rania Serouti qui interpréta une scène insoutenable dans le film et enfin Bahia Rachedi dans son rôle toujours émouvant de mère. On attendait avec prévoyance le dernier film de Moussa Haddad, il a tenu ses promesses de faire rire et pleurer le public comme à son habitude. A noter enfin le travail admirable de l'initiatrice du projet et femme dans la vie du réalisateur: Amina Bedjaoui Haddad, qui a réussi son premier test de productrice et qui nous a finalement offert une traversée cinématographique sans fracas.