Après des années d'absence, Moussa Haddad est de retour sur scène. Harragas Blues, son dernier long métrage, co-écrit avec son épouse Amina Bedjaoui Haddad, a été présenté en avant-première mondiale, mardi soir, dans une salle du complexe Vox au Marina Mall à Abu Dhabi, à la faveur du 6e Festival international du film, le premier en importance aux Emirats arabes unis avant celui de Dubai. Abu Dhabi (Emirats) De notre envoyé spécial Ali Al Jabri, 38 ans, directeur du festival, a lui-même annoncé la projection du film en compétition officielle, salué le choix du cinéaste algérien pour Abu Dhabi et a souhaité au film un succès auprès du public et de la critique. «La participation algérienne cette année est la plus importante depuis la création du festival, avec en sélection officielle deux longs métrages, deux courts métrages et une rétrospective sur le septième art algérien», a relevé, pour sa part, Intishal Tamimi, responsable de la programmation. Le Festival d'Abu Dhabi rend hommage au cinéma algérien à la faveur de la célébration du cinquantième anniversaire de l'indépendance du pays. Contrairement à ce que peut indiquer son titre, Harragas blues n'aborde pas forcément la question de l'immigration clandestine tant de fois évoquée par le cinéma algérien. C'est l'histoire d'une amitié et d'un rêve. Zine Menadi (Karim Hamzaoui) et Rayan (Zakaria Ramdan) sont obsédés par l'idée du partir. Du haut de l'esplanade de Notre Dame d'Afrique, sur les hauteurs d'Alger, ils regardent la Méditerranée. Ils sont, comme ces dizaines de jeunes Algériens, tentés par l'aventure, traverser la mer sous couvert de la nuit pour retrouver l'ailleurs, toujours magnifié dans leur esprit. Zine, attaché à sa famille et à sa copine Zola (Mouni Boualem), veut rejoindre son frère en Espagne, mais semble avoir une hésitation. Même si chez ses parents un placard métallique dans le couloir semble suggérer qu'il ne lui reste pas grand-chose à la maison. Partout où ils vont, les jeunes algériens sont priés de «quitter» les lieux, y compris dans les forêts où ils vont cacher leur tristesse ! Cela est symbolisé par ce vieux gardien de Notre Dame d'Afrique qui «chasse» Zine et Rayan. «On va fermer !», crie-t-il. L'Algérie est le pays de la fermeture par excellence. Rayan, qui a perdu sa mère, semble «perdu» dans sa quête de l'affection et du chemin d'un horizon encore vaporeux. Le destin est parfois désarmant et l'espoir moins fort que le sentiment d'échec. L'échec d'un pays incapable de «retenir» ses enfants. Autour de Zine et Rayan, il y a l'amour. Cela ne semble pas suffisant pour «libérer» le bonheur de sa prison. Le film de Moussa Haddad se déroule comme une feuilleton. Cela manque de quelque chose. Quoi au juste ? La profondeur dramatique n'est pas suffisamment présente. Le récit ne se termine pas comme le suggérait la philosophie du film. Le scénario a certes été réécrit une deuxième fois, mais cela ne justifie pas cette faiblesse visible. La domination des couleurs rouge, verte et blanche semble renvoyer à une certaine idée du patriotisme. Partir, c'est détester son pays ? Ce n'est pas forcément le propos du cinéaste, mais il y a une surcharge sur le plan esthétique voire même symbolique qui peut gêner. Les images de Bachir Sellami sont belles, soignées... mais un fiction est un tout. Cela dit, la force du long métrage est alimentée par deux choses : les décors assez jolis, et la confiance qu'a faite Moussa Haddad aux jeunes comédiens. Karim Hamzaoui, Zakaria Ramdan et Mouni Boualem ont donné ce qu'ils ont pu dans un film où ils apparaissaient pour la première au grand écran. Le cinéma algérien a réellement besoin de renouveler ses troupes, rafraîchir ses terres, oxygéner ses allées... «Il est naturel pour un jeune de voyager, partir ailleurs. Malheureusement, dans l'aventure, des jeunes meurent. La presse en parle souvent. C'est un sujet difficile. Mais, je ne veux pas faire de la morale, dire aux jeunes ne partez pas, c'est dangereux. Je voulais faire un bon film qui puisse plaire à ces jeunes (...)», a expliqué Moussa Haddad après la projection, dénonçant implicitement la non-obtention par les jeunes de visas pour se déplacer vers l'Europe. «Ce film n'est pas là pour expliquer le problème, encore moins le régler. La harga en tant que telle est un marqueur d'époque. C'est un prétexte pour nous d'évoquer la vie...», a relevé pour sa part Amina Bedjaoui Haddad. Co-produit par Moussa Haddad Production (MHP) et l'Agence algérienne du rayonnement culturel (AARC), Harragas Blues sera projeté à Alger dans les prochaines semaines. Hier soir, à la salle du Emirates Palace, a été projeté, toujours en compétition officielle du Festival, Parfums d'Alger de Rachid Benhadj, en présence du réalisateur et des comédiennes Chafia Boudraâ et Rym Takoucht.