Le docteur a annoncé hier, lors d'une conférence de presse tenue dans sa permanence, son retrait. «Je ne participerai pas pour ne pas cautionner la fraude» a argumenté l'ex-chef de gouvernement en reconnaissant, toutefois, les difficultés à récolter les 75.000 signatures exigées par la loi. Sur ce point précis, Benbitour s'est refusé à s'étaler sur la question des chiffres en préférant, plutôt, parler de terreur administrative. Dans le même ordre d'idées, le conférencier relève que les conditions de la transparence ne sont pas réunies. Pour illustrer ses dires, l'ancien ministre du Trésor évoque la fermeture des champs politique et médiatique ainsi que les écueils bureaucratiques durant la collecte des paraphes de soutien. Dans la foulée, l'orateur souligne qu'une élection régulière est tributaire de ces trois phases qui sont la préparation, le déroulement et le contrôle. Faisant un constat sur cette situation préélectorale, cet économiste émérite a dressé un chapelet d'indices qui indiquent que le rendez-vous du 8 avril est «une piraterie légalement soutenue»: usage inconsidéré des deniers publics, allégeance du gouvernement au président-candidat, pressions exercées sur les citoyens désireux d'apporter leur soutien à d'autres candidats, instrumentalisation de la justice et vassalisation de l'administration. En clair, l'ancien Premier-ministre estime que ces élections se présentent comme une rupture du pouvoir avec le peuple. Interrogé sur le groupe des dix dont il est membre, Benbitour précise que chaque membre est libre de choisir sa démarche pour mettre à nu les dépassements du pouvoir. Ainsi, certaines personnalités ont jugé utile de prendre part à ces élections pour dévoiler, à travers la campagne électorale, les défaillances des dirigeants. D'autres, dont Benbitour, sont plus méfiants et considèrent la participation comme une façon de légitimer le scrutin. En tout cas, le conférencier remarque que le prochain rendez-vous va enliser l'Algérie dans un autre chaos qui va la plonger dans la situation de 1999 au lieu de 2009. Concernant la position de l'armée qui a annoncé sa neutralité durant ces élections, l'ex-chef de gouvernement a subtilement exprimé ses doutes en rappelant que Bouteflika est également le chef suprême de l'institution militaire. Sur les dernières visites-marathons de Bouteflika, l'ancien ministre des Finances relève qu'aucune réunion de travail n'a eu lieu avec les autorités locales. L'essentiel de ces tournées se résume aux spectacles devant les caméras de l'Unique. S'agissant de l'alliance présidentielle, Benbitour, qui la qualifie de conjoncturelle, observe qu'elle n'est pas fondée sur une stratégie de sortie de crise. Esquissant les voies du changement du régime politique, l'orateur expose deux démarches antinomiques. La première peut prendre une forme de coup de force armée ou de fraude. L'autre nécessite un changement démocratique légal. L'Algérie se trouve, d'après le conférencier, dans la première série. En dépit de ses analyses économiques poussées, Benbitour précise que si la crise politique du pays n'est pas réglée, il ne peut y avoir de développement économique. En perspective, le fils de Ghardaïa se dit favorable à la création d'une formation politique afin de faire passer son message à la base.