Au lendemain de manifestations historiques et émaillées de violences, les autorités brésiliennes se retrouvaient hier pressées de répondre à la fronde sociale atypique qui ébranle le géant d'Amérique latine à un an du Mondial de football. Plus d'un million de manifestants ont déferlé jeudi soir dans les rues du pays émergent, septième puissance économique mondiale, dont le «miracle économique» et social était vanté il y a encore peu de temps dans le monde entier. Les manifestants ont exprimé, souvent avec humour, parfois avec grande violence, le profond ras-le-bol de nombreux Brésiliens face à des services publics indigents, à la corruption de la classe politique et aux dépenses somptuaires - 11 milliards d'euros - engagées pour l'organisation du Mondial 2014 de football. Convoquées sur les réseaux sociaux par des jeunes issus de la classe moyenne rejetant farouchement toute étiquette, ces manifestations, majoritairement pacifiques au départ, ont donné lieu à de nombreux affrontements avec la police et à des scènes de pillage. Un jeune homme de 18 ans renversé par une voiture a trouvé la mort. Des dizaines de manifestants ont été blessés, dont plusieurs grièvement. Face à l'ampleur du mouvement, la présidence a d'abord annoncé l'annulation d'une visite d'Etat au Japon de Dilma Rousseff, programmée du 26 au 28 juin. La présidente de gauche a convoqué ses principaux ministres, dont celui de la justice Eduardo Cardoso, à une réunion de crise à Brasilia, selon les sites des trois principaux journaux du pays. Selon la Folha de Sao Paulo, les participants devaient tenter de cerner les profils et attentes des manifestants et évaluer la possibilité d'une adresse radiotélévisée de la présidente à la Nation. Les autorités de Brasilia ont été «effrayées» et «choquées» par l'attaque du ministère des Affaires étrangères jeudi soir par un groupe de manifestants, repoussée in extremis par la police, ajoute le site. La classe politique brésilienne dans son ensemble apparaît totalement submergée par une lame de fond qu'elle n'a pas vu venir et qui ne cesse de grossir. Après une semaine d'inertie et de manifestations d'abord violemment réprimées, les autorités ont pensé pouvoir désamorcer la crise en renonçant à l'augmentation du tarif des transports en commun qui avait allumé la mèche. Mais rien n'y a fait. Jeudi, en pleine bourrasque, les autorités n'ont pas bronché.