Le flamboyant Premier ministre et ministre des Affaires étrangères, Cheikh Hamad ben Jassem ben Jabr Al-Thani, qui devait être remplacé hier, a été le fer de lance de la politique volontariste du Qatar. De fait, le Qatar a soutenu sans réserve les soulèvements dans le monde arabe. Ces dernières années, cheikh Hamad a fait du Qatar un centre de gravité de la politique arabe, y accueillant réunions ministérielles et sommets, profitant de la marginalisation des pôles traditionnels. Il a été l'un des personnages les plus médiatiques du pays après la prise du pouvoir, à la faveur d'une révolution de palais en 1995, par l'ancien émir Hamad ben Khalifa Al-Thani, qui vient d'abdiquer. La personnalité controversée de cet homme politique et homme d'affaires, et surtout sa franchise, parfois vexante lui ont valu beaucoup de détracteurs. Lointain cousin de l'ancien émir, il a souvent provoqué des incidents diplomatiques en accusant des dirigeants arabes d'hypocrisie pour avoir osé critiquer le Qatar en raison de ses contacts avec Israël ou ses relations avec les Etats-Unis qui disposent d'une importante base militaire dans l'émirat. Il n'a pas hésité à imposer ses vues à ses pairs arabes sur les soulèvements libyen et syrien dans lesquels son pays s'est impliqué à fond, participant militairement aux opérations de l'OTAN en Libye et soutenant activement les rebelles syriens. Le Qatar a également usé de sa manne gazière pour soutenir les nouveaux pouvoirs islamistes en Egypte et en Tunisie, et beaucoup de ses détracteurs ont critiqué la «diplomatie du carnet de chèques» incarnée par cheikh Hamad. Né en 1959, le Premier ministre sortant, dit HBJ, occupe depuis avril 2007 le poste de Premier ministre. Il avait fait son entrée dans le gouvernement en tant que ministre des Affaires municipales et de l'Agriculture en juillet 1989 après avoir été pendant sept ans chef de cabinet du ministre. En septembre 1992, il est nommé ministre des Affaires étrangères. Mais c'est son soutien sans faille à l'émir lorsqu'il a renversé son père en juin 1995, qui a favorisé son ascension politique. Non seulement l'émir l'a maintenu dans ses fonctions de ministre des Affaires étrangères, mais il l'a nommé premier vice-Premier ministre en septembre 2003, lui confiant les missions diplomatiques les plus délicates et les plus controversées. Le diplomate au franc-parler a ainsi su établir des relations à la fois avec les Israéliens, les Iraniens, les Syriens ou les groupes islamistes dont le Hamas palestinien, se posant en médiateur dans plusieurs conflits régionaux dont celui du Liban. Il a été l'un des principaux initiateurs de la puissante chaîne de télévision Al-Jazeera, financée par le gouvernement qatari. Cheikh Hamad, aussi à l'aise en dishdasha qu'en complet-veston, qui parle un anglais parfait, est aussi un businessman avisé, à la tête de plusieurs grandes entreprises, dont Qatar Airways et la compagnie immobilière Addiyar. Il est surtout le directeur général de la Qatar Investment Authority, le fonds souverain du pays présidé par le nouvel émir, et qui supervise les investissements du richissime émirat à l'étranger. En 2007, il avait acheté pour la somme astronomique de quelque 100 millions de livres (quelque 200 M USD) un appartement en bordure de Hyde Park à Londres. Et la presse américaine a rapporté qu'il avait acheté une maison près du siège de l'ONU à New York pour 35 millions de dollars, après avoir acheté une demeure dans la ville pour 47 M USD.