Pour la seule année 1999, la France a octroyé la nationalité à 39.806 Maghrébins, dont 14.247 Algériens. «Il faut revoir notre politique sur l'octroi systématique de la nationalité française aux Maghrébins, les Algériens notamment», a dit Charles Pasqua au lendemain du match «chahuté» entre l'Algérie et la France, marquant ainsi le désappointement, voire le dépit ressenti par une certaine classe politique française à propos du comportement des jeunes beurs lors du match France-Algérie, arrêté à un quart d'heure de la fin. Ces jeunes, qui ont rempli, plus qu'il ne pouvait en contenir, un stade de 80.000 places, avaient sifflé «La Marseillaise», jeté des cannettes sur la tribune officielle, sifflé et hué les Bleus et fini par envahir le stade. Ils avaient surtout affolé les renseignements généraux qui avaient redouté que des drapeaux palestiniens soient brandis, que la cause islamiste soit encensée, que les Etats-Unis soient conspués, mais n'avaient pas prévu l'arrêt du match pour raison d'envahissement. Le même constat d'échec, établi pour le renseignement américain à propos des attentats du 11 septembre, peut être dressé pour le renseignement français, ou pour le moins le service de sécurité du stade, appuyé pourtant par 1.000 policiers. Les beurs et les jeunes de la banlieue sont devenus un véritable casse-tête pour les autorités françaises, mais, à défaut de trouver des solutions, on cherche des coupables. Malek Boutih, le président de SOS-Racisme, a parlé de la méconnaissance de la banlieue par les pouvoirs publics, ajoutant, avec indignation, qu'on «focalise sur la politique internationale, tandis qu'on continue à gérer avec angélisme un problème franco-français: les jeunes de la banlieue».En deux mots, Paris s'inquiète. Les officiels, sous un habillage sémantique conséquent, montrent des signes d'inquiétude. Pour eux, la réinsertion sociale, politique et culturelle de ces jeunes, qui ont bénéficié de la nationalité française, n'est pas très satisfaisante. Tant s'en faut. Et on doit réagir. Comment? Toute la question est là, dans un contexte politique international qui ne fait qu'exacerber le problème des identités. Le propos de Daniel Vaillant, le ministre français de l'Intérieur, a fini par mettre en émoi une partie de l'Assemblée, devant laquelle il a déclaré que les Algériens binationaux seront au nombre de 1.500.000 en 2010. Pour la seule année 1999, la France a octroyé la nationalité à 39 806 Maghrébins, dont 14.247 Algériens. Les binationaux ont encore vu leur nombre augmenter de façon nette et constante en 2000 et 2001, et l'Algérie, pour des raisons historiques, culturelles, géographiques et juridiques, a toujours admis la double nationalité, bien que la tendance actuelle, sous la poussée politique des «nationalistes», aille plutôt vers une révision de ce statut. Dossiers des binationaux ouverts, le problème des Algériens de Nanterre et des banlieues parisienne, marseillaise, lyonnaise... autant d'épineux chapitres qui se posent à la municipalité en termes d'urgence. Toutefois, ce nombre important d'Algériens et de jeunes beurs devient un pôle d'attraction lors des élections. Structurés dans des associations ou «en mouvement libre», ces jeunes sont sollicités à l'excès dans un rapport de force qui reste très circonstantiel. Car sitôt les élections passées, ils retombent dans une sorte d'oubli, dans une sorte de «réserve» (ou de ghetto) qui ne dit pas son nom et qui reste synonyme de violence. Loin des feux de Paris, à la périphérie des grandes villes, se développe toujours la violence.