Réputés pourtant plus conciliants et plus réconciliateurs que les Algériens sur la question du passé colonial de la France, les Tunisiens se sont invités bruyamment mardi au Stade de France, à Paris, lors du match amical France-Tunisie dans le débat controversé sur l'intégration en chahutant l'hymne national français. Dans le même décor du Stade de France, des supporters de l'équipe algérienne de football, pour la plupart des jeunes issus de la seconde génération, et par la suite des fans de l'équipe marocaine, s'étaient illustrés par un comportement similaire qui avait choqué l'opinion et la classe politique françaises. Cette fois-ci, la France officielle a jugé que les clameurs de la révolution du Stade de France sont porteuses d'un message suffisamment fort et prégnant pour ne pas se sentir interpellés. Le président français, Nicolas Sarkozy, a reçu hier les responsables en charge du secteur du sport pour examiner la situation. Le Premier ministre français, François Fillon, a appelé, de son côté, à réfléchir à des solutions pour que de tels événements ne se reproduisent plus. Et certains officiels français, à l'instar du secrétaire d'Etat au sport, Bernard Laporte, réputé pour son langage brutal et provocateur forgé au cours de sa longue carrière sur les terrains de rugby, ont déjà trouvé la recette miracle pour faire respecter la République française et la Marseillaise. « Il ne faut plus inviter les équipes nationales maghrébines au Stade de France », a-t-il sentencieusement déclaré. Pourquoi ne pas envisager carrément la déchéance de la nationalité française pour les jeunes Maghrébins peu respectueux de l'hymne national français ? Ce nouvel incident va une fois de plus fournir le prétexte tout indiqué aux milieux xénophobes de l'extrême droite française et aux nostalgiques de l'Algérie française qui ne ratent aucune occasion pour solder leur compte avec l'Algérie. Et d'une manière plus globale, à repenser la politique d'intégration dans le sens d'une assimilation qui ferait des étrangers des êtres désincarnés, sans histoire et sans racines. Autant dire que cette manière passionnelle et toute politicienne de la classe politique française de traiter le message véhiculé par les jeunes Tunisiens qui ont sifflé l'hymne national au Stade de France condamnant sans appel leurs auteurs n'a aucune chance d'aboutir . Encore une fois, comme lors des émeutes qui avaient secoué les banlieues françaises, on agit sur les effets et non sur les causes du mal qui ronge la société française dans ses rapports difficiles faits de heurts, de confrontations et de vexations vis-à-vis des communautés étrangères qui la composent, particulièrement maghrébines. Toutes les mesures répressives que l'Etat français pourrait mettre en branle pour protéger l'hymne national dans les stades ne pourront pas empêcher les jeunes émigrés maghrébins pour lesquels l'intégration n'a apporté que chômage et précarité à se réfugier, dans un réflexe identitaire, derrière des gestes conscients ou incontrôlés, à l'image ce qui s'est passé au Stade de France.