Le ministre français de l'Intérieur, Daniel Vaillant, vient de lâcher une bombe devant l'Assemblée française en déclarant que d'ici à l'an 2010, entre un et un million et demi d'Algériens seront détenteurs de la nationalité française. Le dossier des binationaux est d'une sensibilité telle que depuis la signature des accords d'Evian, le sujet est rarement évoqué entre Paris et Alger. Même le protocole d'accord algéro-français, signé en juillet dernier et portant sur les modifications du code de 1968, n'a abordé ce problème que sous l'angle de la résidence en France accordée de facto aux binationaux. C'est un élu de droite qui a interpellé Vaillant lui enjoignant de déclarer à l'Assemblée le nombre précis d'Algériens qui ont déposé des dossiers de nationalité française et ceux qui l'ont obtenue. D'où la réponse du locataire de la place Beauvau qui a sidéré plus d'un parlementaire français. Si ce dossier rebondit actuellement, cela est dû, en grande partie, aux répercussions politiques suite au match France-Algérie, lorsque de jeunes beurs ont ostensiblement sifflé la Marseillaise, ce qui a provoqué une véritable polémique au sein de la classe politique française dont la droite puisque Charles Pasqua a demandé au gouvernement socialiste de revoir la question de l'octroi de l'identité française aux Maghrébins, particulièrement aux Algériens. L'ensemble des spécialistes a constaté la progression prodigieuse des demandes de nationalité française en Algérie. Selon les dernières estimations du ministère français des Affaires étrangères, 60% des «nouveaux Français» sont d'origine africaine avec une large part de Maghrébins de l'ordre de 47%, soit presque la moitié des naturalisés. Ce chiffre, en hausse et qui s'explique par les mesures dites de «réintégration dans la nationalité française», a littéralement explosé puisqu'on enregistre 5.634 cas réintégrés pour la seule année 1999. Ainsi, selon les tendances enregistrées, 39 806 Maghré-bins se sont vu octroyer la nationalité française pour 1999 avec une légère préférence aux Marocains, car la demande algérienne est demeurée «stable». La proportion de Maghrébins candidats à la nationalité française est en progression constante puisqu'ils n'étaient que 44,4% en 1994 contre 48,6% en 1999. 14.247 Algériens ont acquis la nationalité française soit par décret soit par déclaration, ce qui place l'Algérie légèrement derrière le Maroc avec 20,2% de naturalisés contre 20,8 pour les Marocains. Marocains, Algériens, Tunisiens, Turcs et Portugais représentent actuellement 59% des naturalisés en France sur 167 autres nationalités. L'Algérie fait partie des pays qui admettent la double nationalité pour des raisons historiques et juridiques évidentes, mais le débat existe en Algérie pour revoir cette option et faire comme la Turquie, le Cambodge ou le Sénégal qui n'admettent pas que leurs ressortissants aient une double nationalité. Les citoyens naturalisés français de ces pays sont automatiquement déchus de leur nationalité d'origine. Le débat sur la binationalité relancé en France pourrait avoir ses extensions en Algérie puisque les 1,5 million qu'évoque Daniel Vaillant pourraient peser lourd dans l'évolution des rapports algéro-français. Force électorale potentielle en France, mais également électeurs en Algérie, les bi-nationaux pourraient influer sur l'avenir politique des deux nations dans les dix prochaines années. Avec un avantage pour la France qui a fait de la pénétration politique et économique de l'Algérie un des axes de sa politique étrangère, sinon nationale, et où le «droit d'ingérence» sera supporté par une entité humaine.