Le LMD est un système qui est bien chez ceux qui l'ont conçu et c'est aussi un système qui n'est pas prêt à emporter Ceux qui ont été formés par l'ancienne école ont tous dépassé la cinquantaine. Ils sont tous «retraitables» ou presque. Conscientes de la nécessité incontournable de se hisser à un haut niveau de qualité dans la formation et la recherche, les universités du monde se pressent d'obtenir les standards, les normes et les processus à même de leur ouvrir le chemin de l'avenir. «Certification» et «accréditation» sont les mots qui reviennent dans tous les discours et dans toutes les bouches. Les objectifs d'apprentissage, les stratégies d'enseignement, les dossiers de cours, les rapports de cours..., sont autant de thèmes autour desquels tournent, toutes ces années, les forums et séminaires de formation dédiés aux enseignants. Nombreuses sont les universités qui en sont à l'adoption de nouveaux programmes et de nouveaux cursus alors que d'autres ont déjà obtenu l'accréditation et la reconnaissance mondiale parce qu'une université accréditée est une université qui est reconnue mondialement et un programme accrédité est tout aussi reconnu par toutes les instances universitaires mondiales. L'importance d'une telle démarche n'est plus à démontrer. Cela fait assez longtemps que dans les milieux académiques, la question a été discutée et cela fait longtemps aussi que l'obligation de passage au niveau mondial a été tranchée comme question et comme principe. Obtenir l'accréditation des programmes et cursus signifie, pour toute université, qu'elle est arrivée à assurer un niveau acceptable de qualité, c'est-à-dire qu'elle est arrivée à la maîtrise du processus qui lui permet de dispenser une formation de qualité, de garantir une recherche de qualité et d'assurer un service dans les normes à la société dans son ensemble. En plus, cela signifie qu'elle a la capacité de reproduire et d'améliorer ce processus. Certes, ce n'est pas facile et nul n'a jamais eu l'impolitesse de le croire. Mais cela n'est pas impossible, non plus pour qui se sent concerné et qui veut s'améliorer. Mais pour ceux qui ne veulent pas bouger, tout semble difficile et impossible à réaliser. Ce défaitisme est dû à plusieurs causes. D'abord, l'incapacité de ceux qui décident constitue la cause première de l'inertie. En effet, lorsqu'on met à la tête de l'université ou du secteur de l'enseignement supérieur des gens sans compétences particulières, il ne faut pas leur demander de décrocher la lune. Ensuite, le manque, voire l'absence d'ambition constitue une seconde raison en ce sens que ce ne sont pas ceux qui manquent d'ambition qui pourraient penser un jour améliorer les choses. En troisième position vient la méconnaissance, car ceux qui ne savent pas que quelque chose existe, ne pourront jamais aller la chercher et ceux qui n'ont aucune idée de l'accréditation des universités n'iront jamais s'en enquérir. Ensuite, le manque de contrôle et l'impunité représentent des causes sérieuses dans la dégradation des universités et dans le fait que l'on ne parle point d'accréditation. Ailleurs, ce sont les ministères de l'Enseignement supérieur qui ont ressenti, les premiers, le besoin d'améliorer la situation des universités et ils ont agi de manière à ce que les universités fassent de ce besoin leur préoccupation première. Chez nous, et comme pour anéantir tout espoir d'amélioration, la reproduction est toujours à l'identique. Cela fait des années que l'université algérienne ne fait que reconduire ce qu'elle a déjà fait les années passées. Non seulement on n'avance pas, mais on recule à grande vitesse. Le LMD c'est quoi? Sans que personne ne sache pourquoi, le ministère de l'Enseignement supérieur a choisi d'introduire le LMD dans l'université algérienne qui, soit dit en passant, n'en avait vraiment pas besoin. Le LMD est un système concocté par un certain Jacques Attali pour les besoins d'une Europe qui veut unifier les principes de ses enseignements et standardiser la structure de ses formations afin d'arriver à un rapprochement entre les diplômes qui puisse permettre une grande mobilité à l'intérieur des pays membres. Qu'est-ce qui nous a piqués pour aller chercher ce système et le greffer à une université qui l'a aussitôt rejeté? Ce n'est pas que le système LMD soit mauvais ou moins bon, là n'est pas le problème, mais c'est plutôt parce que ce système exige certaines choses pour être efficace. Il exige d'abord un enseignement axé sur l'étudiant, c'est-à-dire un enseignement où l'étudiant est au centre du processus d'apprentissage et où l'enseignant n'est là que pour l'aider à construire progressivement ses connaissances. Ceci sous-entend que l'enseignant doit avoir bénéficié de formations qui lui permettent de passer du cours magistral à celui participatif. Ceci signifie aussi que l'étudiant consacre beaucoup plus de temps au travail individuel et que les moyens d'apprentissage soient disponibles et à sa disposition. Or, jamais les enseignants n'ont, à ce jour, reçu de formation pour passer au LMD, jamais rien n'a été fait pour encourager les étudiants à plus de travail individuel et la bibliothèque censé offrir un espace d'apprentissage minimum continue à ouvrir tard et à fermer très tôt alors qu'ailleurs, elle est ouverte jusque tard la nuit. Quel LMD voulait donc le ministère qui, dans la foulée, avait oublié de mettre en place des passerelles entre le système dit classique et ce LMD jetant dans la rue des centaines, voire des milliers d'étudiants sans raison, en les empêchant de poursuivre leur magistère. Le LMD est un système qui est bien chez ceux qui l'ont conçu et c'est aussi un système qui n'est pas prêt à emporter. C'est tout un comportement qu'il faut développer avant d'aller vers ce système. En conséquence, les étudiants se prennent les lacets dans ce système, les enseignants continuent à travailler comme avant, à donner des cours magistraux, et ne voient vraiment pas la différence, le bibliothécaire continue à ouvrir et à fermer aux heures qui lui conviennent et personne ne comprend vraiment ce qui se passe. La seule différence réelle c'est qu'au lieu de quatre ans, l'étudiant passe maintenant trois ans à l'université pour sa licence. Mais est-ce raisonnable? L'insuffisance des structures est-elle un argument suffisant pour chambouler ainsi une génération entière? Est-ce possible que quelqu'un qui a étudié quatre ans et quelqu'un d'autre qui a étudié trois ans aient le même diplôme? Est-il équitable qu'ils aient le même grade et la même classification? Ce problème a été posé à moult reprises par les étudiants eux-mêmes. Leur a-t-on trouvé solution? Quelle langue parle- t-on à l'université? Dernièrement, un responsable dans une université se plaignait du niveau de la langue des étudiants. Là encore, c'est l'incroyable inconscience des responsables du secteur qu'il faut interroger car, et alors que l'élève fait toutes ses études primaires et secondaires en arabe, lorsqu'il arrive à l'université, certaines branches lui sont proposées mais en... français! Il en est ainsi des filières comme la médecine, la pharmacie, la biologie, l'agronomie, les sciences vétérinaires etc.... comment peut-on demander à quelqu'un qui a étudié 13 ou 14 ans en arabe d'apprendre en français d'un coup? Ceci n'est ni normal, ni logique et cela sort, tout simplement, du bon sens! Quelqu'un qui voulait justifier, disait un jour que lorsque nos étudiants partent à l'étranger, ils reçoivent des enseignements dans d'autres langues que l'arabe. Ceci est vrai effectivement, mais il y a lieu de noter que, d'abord, ces étudiants font une année de langue généralement, ce qui n'est pas le cas ici. Ensuite, pourquoi faut-il comparer deux choses qui ne sont pas comparables? Ces pays n'offrent pas à leurs étudiants des formations dans une langue qu'ils ne connaissent pas. Pris entre la pauvreté de leur «français» et leur désir d'aller dans certaines filières, les étudiants souffrent le calvaire, faisant souffrir leurs enseignants avec eux car quelle langue parlent-ils? Nul ne sait. Mais même du côté des autres filières, celles fonctionnant en arabe, la même faiblesse de langue est constatée. Est-ce l'école primaire et le secondaire qui ont donné un produit médiocre? Beaucoup le pensent et nombreux sont ceux qui le disent. Allo, je veux un 18 pour mon neveu! «J'ai reçu aujourd'hui une soixantaine d'appels, seulement quatre ou cinq étaient ́ ́normaux ́ ́. Tout le reste c'était des interventions!!!». C'est en ces termes que quelqu'un me disait son ras-le-bol à propos de ce nouveau comportement qui, il y a quelques années encore, était impensable. Aujourd'hui, on n'hésite pas à appeler pour demander de faire passer un étudiant, pour donner telle note à tel autre, pour favoriser tel autre pour le master... «De mon temps, ajouta-t-il, ce n'était pas ainsi que cela se passait!». Effectivement car, de notre temps, tout était sérieux, surtout là haut! D'où provient donc ce nouveau comportement? Il provient de la dilution des choses par le ministère et de la détérioration des valeurs de la société. Les orientations ministérielles doivent être, non seulement claires, mais sans ambiguïté en ce qui concerne le sens à donner à la réussite car la nation qui perd le sens du succès pataugera toujours dans l'échec. La réussite a perdu son sens dans notre université parce qu'elle ne signifie plus rien dehors. Combien sont-ils à chômer avec des diplômes? Et combien sont-ils ceux qui, au contraire, profitent largement de leur ignorance? Le succès sans effort est pur mensonge de la part de l'administration et de l'enseignant et c'est une illusion mortelle pour l'étudiant. Lorsque la réussite devient facile, et à la portée de tous, le domaine où elle est réalisée devient inutile. Si tous réussissent comme ils veulent à l'université, mieux vaut fermer cette université car elle ne sert plus qu'à former de faux cadres et de faux diplômés. La réussite ne se commande pas et il ne suffit pas d'obtenir un 18 pour son neveu pour que celui-ci comprenne mieux. Le niveau a baissé depuis longtemps à l'université, est-il nécessaire qu'à cela on ajoute des interventions pour faire réussir? Que reste-t-il du savoir? Que reste-t-il de l'université? Des responsables qui se promènent avec la malle pleine pour le recteur??? Qu'en sera-t-il demain? Ceux qui ont été formés par l'ancienne école ont tous dépassé la cinquantaine. Ils sont tous «retraitables» ou presque. Qu'adviendra-t-il de l'Université algérienne après leur départ? Il n'est pas sûr qu'au ministère de l'Enseignement supérieur on ait soulevé ce problème ou posé cette question. Néanmoins, il est temps qu'on se la pose. Qui prendra en charge l'université demain? Il n'est pas honnête de se voiler la face ou de plonger la tête dans le sable. Un ministre ça ne doit pas réfléchir à la hauteur de son mandat seulement, surtout dans l'enseignement, mais plutôt à un horizon très loin. Les pays qui se respectent réfléchissent déjà à 2040 alors que, chez nous, un ministre réfléchit seulement au très court terme. Mais là est déjà une autre question. Nous n'avons pas de relève pour l'université. Ni pour encadrer ni pour enseigner. A-t-on simplement programmé la mort de cette université? Tout le laisse supposer à un moment où les autres pays n'épargnent aucun effort pour relancer leurs universités. Accréditation et certification sont les objectifs primordiaux alors que chez nous ce ne sont pas les murs qui s'effondrent car les murs servent la propagande, ce sont les cerveaux de la nation qui s'effritent et ses lendemains qui déchantent. Les responsables de l'université algérienne ont failli à leur mission!