Les islamistes égyptiens en démonstration Redoutant une plus grande détérioration du climat politique, l'armée a déployé des renforts dans les villes clés pour protéger les établissements vitaux, alors que des heurts ont éclaté entre pro et anti-Morsi à Alexandrie. Des milliers d'Egyptiens ont manifesté hier, les uns pour soutenir Mohamed Morsi et les autres pour réclamer le départ du président islamiste, témoignant des clivages croissants dans le pays un an après son élection et faisant craindre de nouveaux troubles. Les partisans de M.Morsi ont entamé un rassemblement à durée illimitée sous le slogan «la légitimité (de l'élection de M.Morsi) est une ligne rouge», devant la mosquée Rabaa al-Adawiya de Nasr City, un faubourg du Caire. Sur la place Tahrir, dans le centre du Caire, et dans d'autres quartiers de la capitale, des milliers de manifestants anti-Morsi défilaient de leur côté, arborant des drapeaux égyptiens et criant «Dégage». Les anti-Morsi manifestaient également dans le delta du Nil (nord), à Port-Saïd sur le canal de Suez, et à Alexandrie (nord) où des heurts ont éclaté entre les deux camps faisant au moins 10 blessés selon un responsable de la Sécurité. Ces démonstrations de force font encore monter la tension dans le pays où des heurts entre partisans et opposants de M.Morsi ont déjà fait quatre morts et des centaines de blessés dans le Delta du Nil ces derniers jours. L'Egypte est profondément divisée entre les partisans de M.Morsi, qui estiment qu'il épure les institutions après des décennies de corruption, et ses détracteurs qui l'accusent de concentrer le pouvoir entre les mains des Frères musulmans. Le 21 juin, des dizaines de milliers d'islamistes s'étaient rassemblés en soutien à M.Morsi, premier président civil d'Egypte. L'opposition a appelé à manifester en masse demain, date anniversaire de l'investiture de M.Morsi, pour réclamer une présidentielle anticipée. En prévision de cette mobilisation, des entreprises ont annoncé qu'elles seraient fermées demain, journée qui marque le début de la semaine en Egypte. Au Caire, certains habitants retiraient de l'argent liquide et stockaient de la nourriture, tandis que de longues files d'attente se formaient devant les stations d'essence, où il fallait parfois plusieurs heures avant de pouvoir faire le plein. Face à ces tensions croissantes, le ministre de la Défense Abdel Fattah Al-Sissi a prévenu il y a quelques jours que les militaires interviendraient en cas de violences lors des manifestations. L'armée avait déjà pris les rênes de l'exécutif à l'issue de la révolte de janvier/février 2011 qui avait chassé du pouvoir le président Hosni Moubarak. La légitimité du président Morsi, qui a pris ses fonctions le 30 juin 2012, est désormais au coeur des tensions entre ses partisans et ses opposants mobilisés par le mouvement populaire Tamarrod. Créé en avril pour réclamer le départ de M.Morsi, issu de la confrérie des Frères musulmans, Tamarrod affirme avoir réuni 15 millions de signatures demandant une élection présidentielle anticipée. Les détracteurs de M.Morsi l'accusent de ne pas s'atteler aux revendications démocratiques qui avaient déclenché la révolte de 2011 et de ne pas résoudre une situation économique marquée par le chômage et l'inflation croissants. Les pro-Morsi mettent, eux, en avant son statut de premier président élu démocratiquement en Egypte et arguent que difficultés économiques et tensions religieuses affectaient déjà l'Egypte avant son arrivée au pouvoir. Mercredi,M.Morsi a appelé à la réforme et au dialogue, tout en prévenant que les divisions risquaient de précipiter le pays dans la «paralysie» et le «chaos». Il a annoncé qu'un comité examinerait la possibilité d'amender la Constitution, accusée d'ouvrir la voie à une islamisation de la législation, et appelé tous les partis à proposer leurs suggestions d'amendements. Mais l'opposition a rejeté l'offre de dialogue, voyant dans les propos du président «le contraire d'une reconnaissance claire de la situation difficile que vit l'Egypte à cause de son échec à administrer les affaires du pays».