En Egypte, Mohamed Morsi est mis à rude épreuve En Egypte, le bilan «rachitique» de Morsi, la rupture des relations diplomatiques avec la Syrie et surtout ses relations controversées avec le Qatar et les Emirats arabes unis, furent la goutte qui a fait déborder le vase des frondeurs. Effet boomerang, retour de flammes ou de manivelle; le détournement des révoltes égyptienne, tunisienne et libyenne, rappelle curieusement l'expérience algérienne post-Octobre 1988. Des soulèvements dont les fruits ont été «cueillis» par ceux qui étaient venus en queue de cortège, se posant en libérateurs des peuples et en tombeurs des despotes. Une illusion qui semble avoir fait long feu, au vu des récents développements sur la scène arabe. A commencer par l'Egypte où une année après son investiture, le président Mohamed Morsi est mis à rude épreuve par Tamarrod (rébellion) à l'origine des appels à manifester, aujourd'hui, et qui revendique quelque 22 millions de signatures pour une pétition appelant à une présidentielle anticipée. Le bilan «rachitique» de Morsi, la rupture des relations diplomatiques avec la Syrie et surtout ses relations controversées avec le Qatar et les Emirats arabes unis, furent la goutte qui a fait déborder le vase des frondeurs. Ce qui a surtout mis le feu aux poudres, c'est le discours provocateur du président Morsi qui après avoir nommé des gouverneurs issus pour la plupart de sa confrérie, instruit ces derniers d'évincer «tous les responsables de la crise». C'est-à-dire lancer une chasse aux sorcières, dont les principaux dindons de la farce ne sont autres que les partisans de l'ancien régime. La rue gronde et rien ne semble dissuader les initiateurs de la «rébellion» contre le nouveau régime de surseoir à leur mouvement. Sur le terrain, le bilan est d'ores et déjà lourd: huit morts, dont un photographe de presse américain et plus d'une centaine de blessés ont été enregistrés dans des heurts opposant les forces de l'ordre aux manifestants, deux jours avant le grand rush. Une dure épreuve aussi pour l'armée qui se retrouve face à une situation explosive, pouvant déboucher sur des affrontements sanglants entre les partisans du président, déterminés à défendre la légitimité populaire de Morsi, et les autres forces politiques déterminées à en découdre. Certains craignent même une «guerre civile», ce qui justifie le déploiement de l'armée dans les provinces pour renforcer la protection des installations vitales, en cas de graves dérapages. Plus discrète qu'autrefois, elle a toutefois fait savoir qu'elle restait vigilante face à toute évolution de la situation qui pourrait déstabiliser le pays. Sur la place Tahrir on parle carrément de «deuxième révolution» contre un président accusé de vouloir monopoliser le pouvoir au profit des islamistes, des dizaines de tentes ont été dressées et plusieurs centaines de personnes étaient encore rassemblées, hier. Du côté des représentations diplomatiques, l'heure est à la vigilance pour parer à toute éventualité. Alors que la plupart des pays ont conseillé à leurs ressortissants d'éviter de se rendre en Egypte, plusieurs ambassades ont affirmé que leurs bâtiments seraient fermés au public aujourd'hui. La crainte d'une aggravation de la crise provoque, en outre, depuis plusieurs jours, une ruée des automobilistes sur les stations-service, et pousse de nombreux Egyptiens à faire des provisions. La situation est aussi similaire en Tunisie où le mouvement Nida Tounès (l'appel de Tunisie) dirigé par l'ancien chef de l'Exécutif, Beji Caïd Essebci, a organisé, hier, un rassemblement devant l'Assemblée nationale constituante (ANC) pour dénoncer un projet de loi dit d' «immunisation de la révolution», destiné à exclure des prochaines élections les cadres du régime du président déchu Zine El Abidine Ben Ali. «Non à l'exclusion, non à la punition collective», «Non à la dictature», «nous voulons un état civil et démocratique contre l'esprit rétrograde», scandaient les manifestants. «Du pain et de l'eau mais pas Ennahda», ou encore «Pauvre peuple, tu as été manipulé au nom de l'Islam», ont lancé les manifestants encerclés par un important dispositif sécuritaire. Des slogans hostiles aux islamistes d'Ennahda, accusés d'avoir confisqué la révolution en la dévoyant en faveur de la mise en oeuvre de leur feuille de route, à savoir l'application de la charia. Ainsi, les régimes islamistes en Tunisie, en Libye et en Tunisie, semblent s'être donné le mot de mettre en quarantaine tous les responsables ayant servi sous les anciens régimes. Une mesure qui n'a pas manqué d'opérer une cassure au sein de ces sociétés non encore remises des séquelles d'une éprouvante quête illusoire de liberté.