Deux jours à peine après l'annonce de sa candidature, Bouteflika dépêche deux ministres en Kabylie. Les officiels, déclarés persona non grata depuis les douloureux événements de 2001, commencent l'un après l'autre à braver le mot d'ordre du mouvement citoyen. A l'approche de la campagne électorale, l'audace des commis de l'Etat semble monter d'un cran. Ainsi, et durant le même jour, Ould Abbas s'est déplacé à Béjaïa et El Hadi Khaldi à Tizi-Ouzou. Bien que leurs virées soient discrètes et sans grand fracas, elles n'en véhiculent pas moins un message éminemment politique qui consiste à dire aux archs que le divorce entre la Kabylie et Bouteflika est loin d'être consommé. Le refus d'officialiser tamazight sans référendum et l'échec du dialogue qui s'en est suivi n'ont pas empêché le président-candidat, via ses deux ministres, à renouer, même partiellement, ses liens avec cette région. Après le soutien de l'UDR, la Kabylie est en passe de devenir de plus en plus fréquentable pour les représentants de l'Etat. Faute de se rendre lui-même dans la région, Bouteflika est en train de tisser des relais en perspective du scrutin du 8 avril et pourquoi pas une éventuelle visite. Il faut dire que sur le plan de développement économique, la Kabylie demeure sérieusement lésée par rapport aux autres wilayas qui ont bénéficié ces derniers mois des centaines de milliards prodiguées par Bouteflika. Sur cet aspect justement, la population kabyle continue de payer les frais du malentendu politique qui a ressurgi en avril 2001. Des milliers de chômeurs, une machine industrielle réduite à néant mais aussi, et surtout, un déficit de représentation politique sont des indices forts que la région est livrée à une véritable impasse. Aucune perspective salvatrice ne se profile à l'horizon, si Bouteflika ne fait pas un geste fort pour ne pas dire historique. C'est dans cette optique que l'officialisation de tamazight par un décret présidentiel ou une visite officielle deviennent de plus en plus envisageables. En outre, la candidature de Sadi à cette présidentielle et l'émergence du parti de Amara Benyounès peuvent acculer le mouvement citoyen à la défensive pour la simple raison que ce denier n'arrive toujours pas à offrir une alternative autre que la plate-forme d'El-Kseur dont la satisfaction nécessite du temps, si satisfaction il y a bien sûr. La population lasse, voire désespérée, demande des solutions concrètes et urgentes. Elle n'a d'autre choix que de saisir la moindre opportunité qui se présente pour sortir de l'ornière.