Ce nouveau venu vient piétiner les plates-bandes d'un FFS et d'un RCD en pleine crise. Fait inédit s'il en est, contredisant même les orientations que Bouteflika avait fait siennes durant sa campagne présidentielle, le ministre de l'Intérieur, Yazid Zerhouni, a signé et publié l'agrément de l'UDR (Union pour la Démocratie et la République) dans le Journal Officiel numéro 43, daté du 4 juillet. Le texte en question donne également la liste des 39 membres fondateurs. Ce parti, fondé par un dissident du RCD, Amara Benyounès, y est secondé par Arezki Abbout et Hamid Ouazar, deux «historiques» du Mouvement culturel berbère, et qui faisaient partie des animateurs principaux du fameux «Printemps» de 1980. Loin d'être un hasard, comme le soulignent malicieusement des observateurs avertis, l'agrément attribué à ce nouveau venu sur l'échiquier politique tendrait à brouiller les cartes, notamment en Kabylie où les deux seules formations politiques dominantes, le FFS et le RCD en l'occurrence, traversent de graves turbulences dont ni l'un ni l'autre ne sont sûrs de sortir indemnes. L'UDR, qui a de tout temps affiché ses tendances et ses prétentions, notamment en soutenant la candidature de Bouteflika, mais aussi en émettant le voeu (discret certes) d'intégrer l'alliance présidentielle ainsi que la coalition gouvernementale, ferait ainsi office de «RND» local en Kabylie après que le parti d'Ahmed Ouyahia a vu toutes ses tentatives échouer. Il est bon, ce disant, de souligner que depuis l'agrément accordé au RND en 1996, puis au mouvement Islah en 1999, dans des circonstances tout à fait particulières quoique différentes, la «liste» a été définitivement fermée jusqu'à nouvel ordre. Le «candidat» Bouteflika, invité de la télévision, disait ne pas vouloir toucher à la configuration actuelle sous peine de provoquer des mouvements aux conséquences tout aussi imprévisibles qu'incommensurables. C'est sur la base de ce «choix» stratégique, que des partis parfaitement légaux aux yeux de la loi, à savoir le mouvement Wafa d'Ahmed Taleb Ibrahimi ainsi que le Front Démocratique de Sid-Ahmed Ghozali n'ont pas été agréés même s'il ont souscrit scrupuleusement à toutes les conditions prévues par la loi. Pour reprendre une expression de cet éminent homme politique qu'est Taleb, «Wafa est agréé par la force de la loi, mais demeure interdit par la loi de la force». C'est pourquoi, la publication de l'agrément de l'UDR autorise deux conclusions au moins. La première, c'est que Bouteflika, qui ne pensait pas que les choses iraient aussi vite, sans doute grâce à ses 84,99% de suffrage, se serait peut-être attaqué à la reconfiguration de la classe politique selon ses propres visions depuis qu'il a réussi à reprendre en main l'institution militaire. Citant des sources crédibles, nous écrivions, à l'annonce de la démission du général Mohamed Lamari, que ce ne devait être là que le début d'un long processus, lequel n'épargnerait aucun secteur, à commencer par la classe politique. Il ne fait aucun doute, dès lors, que les événements continueront d'aller en s'accélérant, sachant que Bouteflika, qui a pratiquement exercé un premier mandat à blanc, ne veut perdre aucun instant du suivant, qui est également le dernier suivant les termes de la Constitution, s'il ne venait pas à la réviser. La seconde conclusion qui s'impose c'est qu'un parti comme Wafa, qui a déjà prouvé maintes fois son ancrage social partout, y compris dans les coins les plus reculés du pays, reviendra forcément à la charge à la faveur de la prochaine rentrée sociale. Wafa, qui a vécu une courte mais salutaire éclipse volontaire, l'avait fait précéder par un communiqué en réponse à la déclaration post-électorale de Bouteflika dans laquelle ce dernier disait vouloir promouvoir la réconciliation et être le président de tous les Algériens. Wafa, qui signalait que cette option passait forcément par son agrément, lui a laissé tout le temps nécessaire pour prendre ses aises, et s'est même confiné dans un silence «étudié» afin de ne pas le gêner dans ses activités. Toujours est-il que si l'été a été riche en évènements forts en couleur, la rentrée sociale s'annonce encore plus passionnante. Pour tous, elle sonne aussi la fin de la récréation.