Ouyahia, qui promet justice et lumière sur cette affaire, n'en accuse pas moins l'APC d'El Harrach de vouloir manipuler cette colère. Jeudi, tôt le matin, des dizaines de jeunes du quartier populeux de Sidi M'barek, sis à El-Harrach, annonçaient leur volonté d'en découdre avec les autorités suite au décès, la veille, du jeune Razik Smaïl, tout juste âgé de trente ans. La veille au soir, des prêches discrets dans les mosquées avaient ravivé les ardeurs et «la haine viscérale» contre les «taghouts» qui contrôlent ce pays. Des cocktails Molotov ont ainsi été préparés, alors que de nombreux jeunes se sont discrètement munis de haches, couteaux et autres objets contondants. Craignant le pire, en dépit de la réaction immédiate consistant en la mise aux arrêts du gendarme, la présentation d'excuses et la transmission du dossier aux autorités judiciaires civiles, les policiers ont bouclé tout le quartier d'El-Harrach jusqu'aux abords de Fort-de-l'eau. Impossible d'accéder au quartier concerné, et encore moins à la rue où habitait le défunt, sans être un fin connaisseur des coins et recoins de ces zones qui ne sont pas sans rappeler (à leur façon, il faut le dire) les ruelles, impasses et escaliers de la Vieille Cité de la Casbah. Au niveau du marché de Boumaâti, vide, et lui aussi encerclé, tous les commerces étaient fermés. Certaines personnes, qui fréquentent assidûment le lieu, nous racontent que «les vendeurs de pétards font régner un véritable climat de terreur dans toute cette zone, causant souvent des accidents fâcheux chez les malheureux vendeurs de friperie et causant de forts désagréments aux passants». Ce serait sur la base de nombreuses plaintes déposées aussi bien par les riverains que les commerçants, qui passent toute la nuit sur place, que la gendarmerie aurait décidé d'intervenir. La prise, considérable, aurait été acheminée vers la décharge de Oued Smar en vue d'être détruite par le feu, ce qui reste quand même anormal, même en présence d'experts de la pyrotechnie. Nos sources ajoutent que les vendeurs de pétards, très en colère, ont tenté de récupérer ne serait-ce qu'une partie de leurs «biens». Excédés, des gendarmes ont tiré en l'air pour faire partir tous ces gens. L'un d'eux, dont l'identité n'a pas été révélée, aurait fait un faux pas, avant de tomber, laissant échapper une rafale qui a touché deux personnes. Celle qui est décédée a été touchée par trois balles. Une autre anomalie puisque les tirs de sommation ne se font jamais sous la forme de rafales. Au domicile du défunt, ainsi qu'à ses abords, le territoire était partagé entre les policiers en civil et les islamistes arborant fièrement leurs barbes, kamis et toques. Le cortège funéraire a fini par s'ébranler sans autres dégâts notables en direction du cimetière d'El-Alia. L'enterrement, auquel ont pris part des centaines de personnes, solidement encadrées par des CNS et des éléments de la Bmpj, s'est passé sans encombres. Quelques éléments armés, localisés par les forces de sécurité, ont été poursuivis, mais nous croyons savoir qu'aucun d'entre eux ne s'est fait prendre. Déçus peut-être que les choses aient fini par se passer quasi normalement, des gens ont fait circuler la rumeur, dès 14h, immédiatement après l'enterrement, sur le décès de la seconde personne, blessée par balle au niveau du cou. Lors de sa conférence de presse d'hier, Ouyahia a démenti la rumeur, indiquant que «le jeune a été opéré au niveau de l'hôpital de Aïn Naâdja avant d'être transféré à Paris dans la nuit de jeudi à vendredi à bord d'un avion-hôpital d'Europe-Assitance». Ouyahia, qui revient sur cette «tentative de manipulation de la population harrachie, souligne que c'est l'APC d'El-Harrach qui se trouve derrière cette rumeur». L'accusation a de quoi inquiéter sachant, d'une part que cette commune est contrôlée par des hommes acquis à Benflis, et d'autre part que «l'enquête judiciaire déclenchée peut conclure à la manipulation politicienne de la douleur et du sang des Algériens». Une véritable cabale, aux yeux des observateurs, puisque chacun a pu voir que ce sont les islamistes, et personne d'autre, qui ont mené la protesta de bout en bout. Alger a frôlé l'émeute catastrophique ce jeudi. Le danger est loin d'être écarté puisqu'un accident est vite arrivé.