Discrètement embarqué par les services de sécurité, l'information aurait pu rester secrète n'était le communiqué publié hier par son frère. Si Ouyahia désigne du doigt le FLN dans les tentatives de récupération de la colère des jeunes Harrachis à la suite du décès de l'un des leurs, touché par arme à feu, tout porte à croire que la mouvance islamiste n'est pas restée totalement inactive dans cette affaire qui avait failli provoquer des émeutes ce jeudi dans toute la région d'El-Harrach, c'est-à-dire entre Le Caroubier et Fort-de-l'eau en passant par Beaulieu, Belfort et bien sûr Oued Smar. Une lettre rendue publique hier par le frère d'Ali Benhadj, Abdelhamid, confirme que le numéro 2 de l'ex-FIS se trouvait bel et bien à proximité du domicile du défunt Razik Samïl. Le document, qui souligne que Benhadj «se contentait d'échanger des lieux communs avec les présents», précise que ce dernier cherchait à prendre part à l'enterrement. Or, les policiers, présents en force dans toute la région, dont certains quartiers étaient carrément bouclés à la circulation tel que Sidi M'barek, ont embarqué Benhadj tôt le matin pour ne le relâcher qu'à une heure assez avancée de la nuit. C'est ce qui explique que les médias n'ont rien su de cette présence, uniquement colportée sous la forme de rumeur qu'il était absolument difficile de confirmer ou d'infirmer durant le week-end. Abdelhamid, dans sa lettre, se plaint d'avoir subi les mêmes contraintes que celles qui bloquent les mouvements de son frère. «J'ai à mon tour été convoqué et en me présentant au commissariat on m'a soumis à un interrogatoire serré avant de me garder jusqu'à 21 heures.» Abdelhamid se plaint ainsi du fait que «les dix interdits qui concernent (son) frère, aient été étendus à (lui) sans la moindre base légale». Par delà ces considérations relatives aux droits de l'Homme et à la liberté de circulation censée être garantie pour tous, il convient de relever que cette révélation vient confirmer ce qui a initialement été constaté sur les lieux, à savoir que c'est la mouvance islamiste qui a drivé la protesta harrachie de bout en bout. C'est au niveau de la mosquée, dans la soirée qui avait suivi le décès du jeune Smaïl que les premiers appels aux émeutes avaient été lancés. C'est également sous la conduite de personnes portant kamis et barbes que les préparatifs avaient été menés pendant toute la nuit de mercredi à jeudi. Celles-ci avaient consisté en la confection de dizaines de cocktails Molotov, ainsi que la préparation de haches, couteaux et nombreux objets contondants afin d'être prêts à toute éventualité. Même si Benhadj n'a sans doute pas encouragé cette volonté d'en découdre avec les autorités civiles et militaires, force est de souligner que sa présence, ainsi que la manière avec laquelle il a été «évacué» ont certainement «dopé» le moral des quelques groupuscules qui s'étaient montrés prêts à mettre à feu et à sang toute la région-est de la capitale et, pourquoi pas, étendre la protesta bien au-delà de ces frontières virtuelles. Il suffit de si peu pour mettre le feu aux poudres. Benhadj, qui a beau tenter de prouver par la voix de son frère ne rien chercher d'autre qu'entretenir les relations confraternelles avec ses concitoyens, il n'en demeure pas moins que l'ensemble de ses activités ne sont pas exemptes d'arrière-pensées politiques, comme le prouve sa tentative de retrait des formulaires de candidature à la présidentielle du 8 avril 2004. Ce n'est pas tout. Depuis que Benhadj a officiellement annoncé son soutien au «plan de paix» d'Abassi Madani, réfugié en Arabie Saoudite, il est apparu évident aux yeux de tous que le conflit entre ces deux hommes n'était qu'une simple vue de l'esprit et qu'ils ont au contraire procédé à une sorte d'intelligent partage des tâches, l'un jouant sur son «aura» pour galvaniser les foules, et l'autres enchaînant les interviewes et les réceptions mondaines dans le but manifeste de prêcher la «bonne parole». L'islamisme politique, version FIS dissous est loin d'avoir dit son dernier mot. Tant s'en faut.