«Les malades ne sont pas satisfaits et pour cause, il y a une mauvaise gouvernance dans nos établissements de santé publique» Presqu'un an après avoir pris ses fonctions à la tête du secteur de la santé, le Pr Ziari fait son diagnostic. Voici son remède. Abdelaziz Ziari n'est pas allé de main morte avec ses gestionnaires. Le ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière qui a présidé, hier, l'ouverture des travaux du Colloque national des gestionnaires des établissements de la santé, a exprimé sa colère quant à la mauvaise gestion qui règne dans les établissements sanitaires. «Je vous le dis. Les malades ne sont pas satisfaits et pour cause, il y a une mauvaise gouvernance dans nos établissements de santé publique», a pesté le ministre de la Santé. Le Pr Ziari qui dit être médecin avant d'être ministre, sait de quoi il parle! Il a ainsi élaboré une liste des plus gros problèmes rencontrés fréquemment dans les hôpitaux et y a proposé quelques solutions. Les urgences est, selon le ministre de la Santé, le service le plus confronté aux problèmes de mauvaise gestion et ce, à travers les quatre coins du pays. «Les services des urgences reflètent une mauvaise image du secteur. Ils sont mal organisés. Ils sont mal gérés. C'est cette situation qui est en premier responsable de la perte de confiance des citoyens en leur système de santé», a soutenu avec colère Abdelaziz Ziari. «Il y a un manque de permanence dans les urgences. Les patients ne trouvent pas de médecin pour répondre à leurs besoins. Ce sont les infirmiers qui le font à sa place...Ils fonctionnent de manière anarchique. Ce qui a entraîné la perte de la confiance qui marquait les années 1970, malgré le manque de moyens matériels et humains à l'époque», a-t-il ajouté, avec tout autant de colère. Le ministre appelle ainsi les gestionnaires à faire plus d'effort dans la gestion des services des urgences avec une meilleure répartition des effectifs. «On recrute trop!» En parlant d'ailleurs des effectifs et de la gestion des ressources humaines, il a relevé de graves dysfonctionnements. «On recrute à tort et à travers dans le secteur. Il faut mettre fin à cette pratique. Nous ne sommes pas là pour régler le problème du chômage dans le pays, mais soigner les citoyens de la meilleure des manières», a-t-il souligné en toute lucidité. «Il y a des établissements qui ont un surplus en matière d'effectif et d'autres non. Il faut qu'on règle ce problème», a insisté le ministre qui précise qu'il ne parle pas que du personnel médical. «J'ai visité un hôpital qui dispose de 45 agents de sécurité. Vous vous rendez compte, 45 agents de sécurité, c'est un hôpital ou une prison?», a rapporté le Pr Ziari. Pour cela, il annonce la mise en place d'une commission qui s'occupera de normaliser le recrutement des effectifs en fonction des besoins des établissements sanitaires. «Le recrutement se fera désormais en fonction des besoins et non plus de la complaisance. Il y aura des normes nationales qui seront suivies par chaque établissement», a-t-il fait savoir en notifiant le gel des recrutements dans le secteur de la santé jusqu'à l'établissement de ces normes. Toujours dans la gestion des ressources humaines, le ministre de la Santé s'est insurgé sur l'absentéisme. Il a aussi dénoncé l'absence de règlement intérieur dans tous les établissements de santé du pays. «51 ans après l'indépendance, aucun hôpital ou établissement de santé ne dispose de règlement intérieur. Cela est très grave! Je n'ai pas encore eu le temps de chercher les causes de cette absence, mais je suppose que c'est pour laisser chacun faire ce qu'il veut», a-t-il fulminé. Rendre aux paramédicaux ce qui leur appartient... Les paramédicaux et leur gestion est également un problème mis en exergue par M. Ziari. «Les paramédicaux sont la cheville ouvrière des établissement de santé. Ce sont eux qui gèrent l'armoire des médicaments, ils veillent sur les appareils et bien sûr s'occupent du suivi et de la prise en charge des malades. Ils sont désormais tous d'un haut niveau. Il faut donc leur redonner la place et le statut qu'ils méritent», témoigne-t-il. Pour cela, il annonce la création d'une sous-direction des infirmiers et paramédicaux. Il ordonne aux directeurs d'établissement de remettre en place la fonction d'infirmier-chef de service. «Il n'y aura plus de service sans infirmier en chef», précise-t-il. Concernant la gestion, la distribution et le stockage des produits pharmaceutiques au niveau des établissements hospitaliers, M. Ziari a souligné la nécessaire réhabilitation du rôle du pharmacien pour une meilleure maîtrise des besoins des établissements hospitaliers en médicaments. «Nos hôpitaux sont sales» Le problème de l'hygiène hospitalière n'a pas été omis par le ministre de la Santé. «Que faut-il pour tenir un hôpital propre? De gros moyens financiers, des moyens technologique, une expertise étrangère?», a-t-il ironisé. «J'ai visité l'un des pays les plus pauvres au monde, le Nicaragua. Eh bien, ses hôpitaux étaient simples sans grands moyens, mais plus propres que les nôtres. Ils étaient impeccables du point de vue hygiène», a-t-il rétorqué. Il a, de ce fait, préconisé la relance du comité d'hygiène hospitalière. «La relance de ce comité contribuera à 'réduire'' les causes des infections nosocomiales», a-t-il affirmé. Le ministre de la Santé est également revenu sur le problème de l'accueil des malades. «Ils sont mal accueillis. Et ils se perdent dans les hôpitaux car il n'y a personne pour les diriger. Même les plaques signalétiques sont absentes», a-t-il fait remarquer. Pour améliorer la gestion des services de santé, assurer une meilleure prise en charge du malade et humaniser l'accueil, il a appelé ses gestionnaires à mettre en place «une stratégie en vue de favoriser la sous-traitance dans le domaine de l'hôtellerie dont la restauration, la literie, la sécurité interne et l'hygiène publique des structures». Anarchie sur les équipements lourds Selon lui, l'achat et la maintenance de matériels lourds souffrent aussi de mauvaise gestion. «Il y a une acquisition anarchique de grands équipements médicaux sans leur assurer la maintenance. J'ai aussi constaté une grande différence entre les prix d'achat de ces équipements d'un établissement à un autre», a-t-il rapporté. Pour parer à ce problème, le Pr Ziari a annoncé l'installation prochaine d'une agence nationale du suivi de la réalisation des structures sanitaires et de l'acquisition des équipements chirurgicaux et médicaux, outre la garantie de leur maintenance. «Cette agence sera la seule habilitée à commander et acheter les équipements médicaux lourds», a-t-il attesté. Connectez la... santé Le ministre de la Santé a également insisté sur la nécessité de généraliser l'utilisation des technologies de l'information et de la communication (TIC) dans son secteur. Il a indiqué à ce sujet que les établissements de la santé pouvaient réaliser un saut qualitatif en adoptant les TIC, rappelant le rôle que doit jouer l'Agence nationale de documentation de la santé (Ands) pour la généralisation de l'utilisation des différentes applications et programmes des TIC. Il a appelé, par ailleurs, à l'application de l'utilisation des TIC dans le traitement et la formation à distance afin de faire bénéficier les populations des régions enclavées. Un centre anti-cancer pour chaque wilaya Le ministre de la Santé a aussi annoncé que chaque chef-lieu de wilaya devra au minimum disposer d'un centre anti-cancer et d'un laboratoire d'anatomie pathologique (Anapath). «Ce sera le minimum», a-t-il précisé. «Ce sont désormais les normes que je vais mettre en place», a ajouté Abdelaziz Ziari. Le premier responsable du secteur a, par ailleurs, souligné la nécessité de définir le budget destiné aux médicaments anticancéreux pour une gestion optimale des ressources financières, tout en veillant à la disponibilité des autres médicaments. «Il faut dégager une ligne budgétaire spéciale pour les médicaments anti-cancer pour que cela n'interfère pas dans la disponibilité des autres médicaments», a-t-il conclu.