Depuis dimanche, une ambiance apocalyptique règne dans la capitale L'odeur du mois sacré n'est plus celle de la chorba, mais des petites habitudes qui se répètent chaque année. Pas besoin de voir le croissant lunaire, les Algériens ont une façon bien à eux d'annoncer l'arrivée du mois sacré. Ce sont, en effet, des signes qui ne trompent pas. Ils sont perceptibles depuis le début de la semaine. Depuis dimanche, une ambiance apocalyptique règne dans la capitale. La chaleur de l'été est revenue et les embouteillages avec. Dès les premières heures de la matinée, jusqu'aux heures tardives de la nuit, les routes et artères de la capitale et sa banlieue sont bouchées. Au fil des heures, l'ambiance devient de plus en plus électrique. Les prises de bec commencent à faire leur apparition. La panique gagne les citoyens. Les gens se bousculent, ils courent dans tous les sens... Ce sont les derniers achats et derniers préparatifs pour le mois de jeûne. La culture de la consommation en Algérie est bien souvent celle de la pénurie. Il faut jouer des coudes pour se frayer un chemin au marché. Les gens s'agitent dans tous les sens! Faire le marché, c'est aller au front. On y fait la «guerre». «Je n'ai jamais vu pareille foule!», lance, à voix haute, une dame qui suffoquait en se retrouvant prise au piège par une foule compacte. «D'habitude, je prends mes précautions en faisant mon marché une semaine avant, mais cette fois-ci, le temps m'a manqué et j'étais prise au dépourvu. Je ne sais pas, je n'ai pas vu venir Ramadhan...», ajoute avec dépit cette femme. Il est vrai que la prise d'assaut des marchés qui se fait d'habitude des semaines avant le Ramadhan, ne s'est faite qu'en ce début de semaine. La fièvre acheteuse a pris du retard, mais elle est bien là. Les boulevards sont noirs de monde. C'est la ruée vers la... «bouffe». Mais passons, ce n'est pas le seul signe «avant-coureur». Les bagarres ont déjà commencé. Comme c'était le cas avant-hier sur la route Moutonnière au niveau de l'aéroport ou deux automobilistes avaient transformé cette route à grande vitesse en ring. Ils se sont roulés par terre après s'être lancés des insultes en plein milieu des embouteillages. Des rixes qui malheureusement nous rappellent celles qui sont devenues coutumes pendant le Ramadhan. Le jeûne, sa mauvaise humeur et sa nervosité, mélangés à une touche de grossièreté et d'incivilité provoquent des altercations pendant ce mois censé être sacré. Certains donc se préparent psychologiquement pour accueillir le mois de Ramadhan. «Je profite du mois de Chaâbane pour manger, m'amuser, aller à la plage,...enfin tout ce que je ne peux pas faire pendant le mois sacré. Cela me permet de me préparer psychologiquement et d'éviter que je rentre en conflit avec mes semblables», affirme un citoyen. En cette nuit du doute (hier, Ndlr), Mohamed a fait le plein de provisions, pour dit-il, manger jusqu'au matin... Autre signe indicateur de l'arrivée du Ramadhan, c'est la fermeture des restaurants et fast-foods. Avant même le début du mois de jeûne, les Algériens sont obligés de... jeûner. C'est une habitude, avant même que le Ramadhan débute, certains restaurateurs ferment laissant derrière eux, leurs clients désemparés. Ils ferment pour laisser leurs employés, venus de l'intérieur du pays, aller passer le Ramadhan chez eux, en famille, ou bien pour laisser place aux activités ramadhanèsques. Ils se préparent pour vendre de la «zlabia», du «kalbelouze», de la «cherbet», «diouls», «hchiche mektfa»... En parlant de métier, l'approche du Ramadhan se fait aussi ressentir par la ruée vers les vendeurs de télévisions, démodulateurs et autres installateurs de paraboles. L'époque où les Algériens renouvelaient leur vaisselle pour le mois de Ramadhan est révolue. Désormais, ce sont les paraboles et les télés que l'on renouvelle chaque année. On veut être branché! Et avec les nouvelles chaînes privées et leurs programmes spécial Ramadhan, on ne veut rien rater. C'est ce que nous confirme Nabil, vendeur de démodulateurs et installateur de paraboles. «La période la plus propice pour mes affaires, c'est la semaine qui précède le mois de Ramadhan et sa première semaine. Je ne m'arrête pas, j'ai des rendez-vous pour toute la période», assure-t-il, avec le sourire, ce qui démontre la prospérité des affaires. Nabil explique que c'est devenu une tradition. «Les Algériens aiment bien accueillir le Ramadhan avec du neuf, quoi de mieux que leur meilleure amie en ce mois sacré, la télé?», souligne notre ami avant de s'excuser- ses clients l'attendent avec impatience. C'est cela le charme du Ramadhan en Algérie. Il n'a pas encore commencé, mais ses effets se font déjà ressentir. Voilà, en attendant d'entendre les «saha ftourkoum» à partir de 8 heures du matin... Saha Ramdhankoum à tous.