Les senteurs de ras el hanout, de cherbet et de jasmin ne nous parviennent pas. A quelques jours du début du mois sacré de jeûne, «Rihet Ramdhan» - la senteur du Ramadhan - se répand dans tout le Maghreb. Les traditions maghrébines peuvent varier d'un pays à l'autre d'une ville à l'autre, mais tous convergent pour faire du mois sacré un mois particulier. Mais, détrompons-nous! Les senteurs, qui embaumaient jadis la Casbah et autres quartiers populaires d'Alger pendant le mois sacré du Ramadhan, ne sont plus. Elles sont parties avec les anciennes «maîtresses cuisinières» qui confectionnaient avec amour la sacrée chorba et autres plats «secrets» incontournables pendant le Ramadhan. Mais où sont donc passées ces senteurs si agréables qui se dégageaient des «douirates» de l'antique citée peu avant le f'tour? Le fumet de cherbet et de jasmin, de coriandre et de menthe fraîche excitaient les narines des jeûneurs qui s'empressaient vers ce rendez-vous magique. Un rendez-vous qui savait réunir l'ensemble de la famille en ce moment précis autour d'une «meïda» pour rompre le jeûne et se restaurer en savourant des plats préparés avec amour par toutes les mamans. C'est le seul mois où tout le monde mange en même temps, autour de la même table. Enfants, nous étions enivrés par ces douces senteurs, au demeurant ordinaires pour nous et auxquelles nous ne prêtions guère attention ni importance. Nous montions sur les terrasses pour chanter l'appel à la prière et au «coup de canon» tiré au môle d'Alger pour annoncer la fin du jeûne. Les enfants rivalisaient de chansonnettes occasionnelles et exhibaient les uns aux autres la sucrerie avec laquelle ils allaient rompre le jeûne, surtout la nuit du 27e jour, qui commémore la nuit où le Coran fut révélé au Prophète Mohamed (Qsssl). Cette journée marquait souvent la première expérience de jeûne de l'enfant. Aujourd'hui, adultes que nous sommes, cette nostalgie nous dévore et n'arrive point à s'estomper ni à s'équilibrer face aux nouvelles valeurs indéniables que recèlent les nouvelles générations. Ces dernières sont aujourd'hui, il faut l'accepter, armées de modernisme et d'un autre savoir-faire que d'autres chanteront encore comme nous le faisons aujourd'hui. Mais revenons à ce moment particulier qui caractérise le mois de jeûne du Ramadhan et donc ses senteurs envoûtantes. En arpentant les venelles de cette médina, tout comme celles nombreuses des villes du Maghreb, un semblant de «Rihet Ramdane» avec ses odeurs parfumées de cuisine tente de subsister. Jadis, elles nous envahissaient pour nous transporter tout entier dans les méandres d'une espèce de «palais culinaire». Est-ce la forte sensation de jeûne qui nous rend si vulnérable à ces senteurs? Toujours est-il qu'en parler et l'écrire, donne l'eau à la bouche et fait frémir, tant cette observation est quelque part forte, réelle et vraie... Comment résister en effet à l'odeur du ras el hanout, littéralement le «fonds de la boutique», qui est préparé généralement les derniers jours du mois de Chaâbane précédant celui du Ramadhan, avec soin à base d'une vingtaine d'épices aux senteurs mystiques avant d'être moulu à la meule traditionnelle en pierre. A travers ce simple acte de préparation, on peut déduire que les familles continuent à s'accrocher aux vieilles coutumes contre le vent du changement rasant tout sur son passage. Ainsi, quelques irréductibles d'un certain âge préfèrent manger par exemple dans des assiettes en terre avec des cuillères en bois ou encore acheter un nouvel ustensile de cuisine pour accueillir le Ramadhan. S'asseoir sur un sofa ou matelas et s'attabler devant une «meïda» plutôt qu'une table perchés sur une chaise trop haute à leur goût. Rien de tout ça n'a survécu hélas! Toutefois, le mois du Ramadhan jouit en Algérie d'une haute considération. Moult traditions sont là pour l'accueillir, le célébrer et le glorifier. Ce mois est imprégné de signification particulière qui allie plaisir, bonheur et une grande opportunité de repentance et de prière.