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Tranches de vie dans une Cité d'autrefois...
UN CONCERT À CHERCHELL DE NORA SARI
Publié dans L'Expression le 21 - 07 - 2013

«Les passions sont les seuls orateurs qui persuadent toujours...», disait le duc de La Rochefoucauld... Quant à moi, je complète cette maxime à ma manière, en confiant que l'auteure Nora Sari, qui a de la passion, persuade mieux qu'un éloquent qui n'en a point...
C'est alors que je dis, qu'en plus de sa passion qui nous est transmise à travers l'ouvrage Un concert à Cherchell, d'une rare beauté - je l'avoue -, Nora Sari a cependant plus d'éloquence et, j'ajouterai, plus d'élégance dans le choix des mots que ceux qui s'ingénient à vouloir échapper au réel, en s'insinuant dans les méandres du pédantisme où le grotesque l'emporte sur la pensée et donc sur l'essentiel...
L'auteure, Nora Sari, parce que mue par un désir particulièrement puissant de retour aux sources, nous livre, à travers ce récit autobiographique, dans une vision romanesque pétrie d'emphase, la vie d'une Cité telle que conçue autrefois par des familles que l'ancestralité poussait constamment à se surpasser pour célébrer de hautes valeurs qui les unissaient dans la pratique de leurs us et coutumes. Dans Cherchell la millénaire, l'antique capitale de nos ancêtres, les rois numides, ce «Concert» n'est autre qu'une saga familiale d'où «émerge un environnement coloré, riche, emprunt d'une culture et d'un art de vivre existant bien avant l'Occupation française et dont l'art culinaire et la musique arabo-andalouse constituent la clé de voûte».
Et elle a fouiné..., elle a fouiné cette Nora pour enfin nous présenter ce chef-d'oeuvre où se mêlent l'Histoire, la vraie, aux aventures et aux traditions, à travers un rituel, où la vie de tous les jours est passée au peigne fin, décrite dans les moindres détails en un style haut, envoûtant, exhalant ces fragrances d'une langue soignée et joliment dite.
La citadinité dans toute sa plénitude
Lorsqu'on connait l'amour que voue l'auteure à l'écriture plus souple et moins obscure pour revisiter ce passé fait de choses vues ou vécues, toutes les «histoires», dans ses mémorables souvenirs d'enfance, allaient nourrir son enthousiasme pour écrire, avec la minutie au féminin, cet ouvrage qui vient présenter de belles et intelligentes pages dans lesquelles nous sont contées des familles dans leur intimité, et des événements dans leur entière vérité, qui méritent plus qu'un regard distrait. Alors, elle nous concède dans ce travail de prospection et de recherche auprès des familles - qui lui a pris du temps assurément - de bonnes connaissances sur notre patrimoine séculaire du «Vieux-Cherchell». Elle nous invite à une magnifique balade dans le passé, à travers laquelle nous rencontrons Kaïda El Meddaha pour en savoir plus sur ses cantiques sacrés, ses poèmes et ses chants puisés dans les tréfonds de la mémoire de la Cité, dame Zounêni, sympathique créatrice de talent, dans ses maximes et dictons, qui excellait dans son art lors des cérémonies d'enterrement de «gens de la ville», tante Fatma qui officiait admirablement pendant ses fameuses soirées réservées spécialement aux «bouqalate». On ne peut oublier ces autres «icônes» qui incarnaient l'art et la culture et égayaient les familles avec leurs chants de la balançoire à Sidi Yahia, ou pendant la cérémonie du henné et les traditionnelles solennités du mariage selon le rite de Sidi Maâmar.
Ainsi, après tant d'années de journalisme culturel, Nora Sari dégage ce trop-plein de «bonnes choses» qui occupait son esprit, fait son immersion dans le monde, ô combien fascinant de l'écriture et prouve sa consécration parmi les Grands aux plumes disertes et convaincantes, en offrant à ses lecteurs un produit de cette propension. Et comment ne doit-elle pas figurer parmi ceux-là, quand son premier ouvrage est d'une facture généreuse, tant sur le plan du contenu, car riche en couleur de par ses «chroniques cherchelloises», que sur le plan du style, chatoyant, limpide et agréable..., tel une conversation? N'est-ce pas ce qui dénote, assurément, cette virtuosité lorsqu'elle conjugue ses verbes avec aisance, aux modes et aux temps convenus, dans de belles phrases où foisonnent de somptueuses idées, que d'aucuns lui envieraient? Il faut lire ses annales pour comprendre que ce n'est nullement du dithyrambe!
C'est alors, qu'au-delà de son style merveilleux, l'ouvrage qui est présenté aux lecteurs, est une composition de souvenirs vivants où est racontée la citadinité dans toute sa plénitude, dans tous ses atours, ayant pour cadre une Cité qui, aujourd'hui, même convertie à la laideur, à cause de l'indifférence ou du mépris de ses responsables, c'est selon, ne peut mourir pour son formidable patrimoine immatériel, qui est là, inaltérable, se transmettant fidèlement comme un bel héritage..., de génération en génération. N'est-ce pas cette richesse qui a encouragée l'auteure à aller de l'avant, en se faisant admettre avec mérite dans cet attirant chapitre de l'écriture romanesque? Enfin, et on ne le dira pas assez, n'est-ce pas cet élan de nostalgie collective, qui lui a fait franchir le Rubicon avec cette oeuvre, menée avec une adresse toute particulière, pour estomper la cruauté du présent qui, lui (le présent), nous concernant, est fait malheureusement d'oubli et d'abandon?
Tranches de vie dans Cherchell d'autrefois
En tout cas, avec ses 98 nouvelles qui commencent à Dar el Hakem, cette maison d'hôte, en une préparation grandiose pour un festin en l'honneur de «celui que l'on respecte, celui que l'on admire jusqu'à la vénération: le proviseur du lycée franco-musulman d'Alger, le cheikh Ahmed Ibnou Zekri», avec un petit passage à Alger, à El Biar plus exactement, pour ses fêtes et ses soirées, et qui se terminent enfin, au même lieu, à Dar el Hakem où le virtuose Dahmane Ben Achour devient, pour la soirée, le maître de céans..., l'auteure nous raconte le «Tout-Cherchell», paisible et serein, en des tranches de vie, par des expressions fortes qui décrivent un vécu, non seulement plein de mouvements, mais aussi de noblesse. Elle nous confie cette oeuvre merveilleuse - j'utilise ce qualificatif sans excès de ma part -, qui est à juste titre la démonstration de son substantiel exercice de prédilection, qui exprime fidèlement son respect et, par moment, toute sa vénération en de nobles sentiments à l'égard de ces acteurs et actrices qui font ses récits... A tous les siens, à tous les Cherchellois d'Algérie et d'ailleurs, surtout à la mémoire de son paternel, le Marchand d'alphabet - avec une majuscule -, elle tient à leur traduire sa reconnaissance en exergue de son ouvrage pour lequel elle a utilisé toute son énergie à couler sa pensée dans ce dédale bien structuré où émane la mémoire d'une Cité, autrefois millénaire.
C'est ainsi que pour en «finir avec Shahrazade», elle est allée droit vers ce qui gratifie l'émancipation d'une société qui se décrit comme multiculturelle... Elle insiste sur celle d'antan qui fut chargée d'Histoire, et qui doit être rappelée, en ce temps de grandeur qui n'est plus, «à nos enfants et aux enfants de nos enfants, afin qu'ils sachent, que, dans une petite ville du littoral algérois, il existait une civilisation, un art de vivre, loin des clichés éculés du petit indigène pauvre et nu-pieds...» Ce sont les termes de sa dédicace, quand elle m'a fait l'honneur de m'offrir son livre qui venait à peine de paraître. Oui, il existait à Cherchell une formidable culture qui poussait de ses vigoureuses racines..., et dont son extension considérable dans le temps et l'espace relevait de cette frappante unité d'atmosphère qui était, sans doute, en grande partie le fait de la religion, de son influence sur la civilisation, et de la référence constante à des sources communes.
C'est dire que l'ouvrage de Nora Sari, qui est une réflexion sérieuse sur le mode de vie d'une Cité, de ses hommes et ses femmes dans leur environnement d'alors, lui a fait ressentir le besoin de le porter dans le registre de son enfance pour analyser les comportements, les joies et les peines d'un ensemble dans son univers d'autrefois. Ce sont toutes ces aventures singulières et non moins fabuleuses qu'elle a dessinées, en marquant les intonations qui leur siéent. Cette façon d'écrire, on ne peut plus captivante, assurément, lui a permis de mieux raconter la réalité sociale pour la réfléchir parfaitement en ces temps maussades que nous vivons.
Et c'est ce qu'elle a su nous faire revivre, dans le «rythme du terroir», avec la fougue de l'artiste qui lui est reconnue, depuis longtemps..., depuis ses fameux articles dans les rubriques culturelles de grands quotidiens et périodiques du pays. Car, dans le style qui lui appartient, et qui regorge d'attributs et d'anaphores - sans calcul redondant - elle privilégie cette écriture où elle entretient avec ses mots un rapport vivant, plutôt que de les aligner systématiquement, dans un carrousel d'expressions alambiquées, fastidieuses et insipides. L'auteure s'est attachée dans ce présent travail à la forme qui fouette et qui, loin de s'en cacher, est allée dans «l'élégance impertinente». Et il fallait s'y attendre avec Nora, à travers de belles chroniques où sa prose, comme le soulignait Emile Dermenghem, en parlant de notre belle langue, «quand elle est écrite, on dirait qu'elle danse...».
Lieux et personnages s'impliquent dans un décor fastueux
Voyons ce qu'elle a brodé dans cet esprit, lorsqu'elle décrit ces merveilles «qui naquirent des mains expertes de Houria», la couturière: «Que de somptueuses robes du soir en soieries, gaufrées, brodées, perlées, chinées, lustrées, mordorées, en cristal, ou en crêpe de chine n'ont-elles pas ravi tant de citadines et provoqué la jalousie de tant d'Algéroises venues assister à des fêtes à Cherchell, persuadées que les toilettes avaient été achetées à Paris!». N'est-ce pas que c'est bellement exprimé? En effet, et je n'irai pas jusqu'à vous parler de toutes les chroniques de Nora Sari qui nous rappellent tant et tant de belles «choses», dont ces figures emblématiques de la ville, qui faisaient son décor et, bien entendu, nous concédaient ses rites et ses traditions. Parmi celles-ci, citons les non moins illustres Yamina Yousfa, trônant dans son matriarcat, la tante Fatma, et autres Kaïda et Zounêni, déjà citées, Tetteni, Aïcha la femme du rabbin, Béba Saïd et son fils El Ferki, le chantre Abdelhakim Garami, et autres Cheikh Ouel Hendi et sa mystérieuse oie, le peintre Abderrahmane Keymoun et le docteur Briault. Tous et toutes ont fait l'actualité, chacun et chacune dans son registre, dans son personnage..., comme dans une pièce de théâtre.
Même les lieux, indépendamment des personnes, s'impliquaient dans ce décor fastueux, luxuriant et agréable à la fois. Tout se mouvait dans «Cherchell d'hier», chaque coin et recoin présentaient leur histoire. Et c'est ce qu'a enregistré Nora Sari, avec pertinence, pour nous les présenter dans un assortiment étincelant qui rehausse assurément son écrit. De même que la «sqifa», le vestibule, dans la langue de Voltaire, a son rôle dans ce théâtre de tous les jours. Ecoutons l'auteure dans une description sensationnelle:
«Ah! Si toutes les «sqifate» pouvaient raconter, narrer, avouer les secrets inhumés entre leurs quatre murs! Que de vies, que de bonheurs et de drames distillés à demi-mot, que de sermons réprouvant une attitude offensante, que de prêches vantant les vertus ou les tares de quelque parent ou parente, que d'homélies doctement énoncées, que de serments jurés sur la tête des enfants ou au nom de Dieu et de tous les marabouts de la région, que de confidences partagées sous le sceau du secret, que de cachotteries dissimulées mises à jour furtivement, à la dérobée, que de mystères élucidés, que de tragédies mises à nu, que de voyages initiatiques, de processions déambulatoires, de pèlerinages longuement effectués et vécus à travers les arcanes de la mémoires des unes, les replis de la conscience des autres, les tréfonds de la souffrance de certaines..., les murs de toutes les «sqifate» ne recèlent-ils pas?»
Que d'événements et de mystères déclinés dans cet espace réduit, mais non moins mythique, que la tradition devait imposer dans les moeurs de la Cité! Quelle dextérité quand l'auteure les ramasse en une narration talentueuse qui nous fait dire, sans risque de nous tromper: l'ouvrage de Nora Sari «a fait mouche»! Et comment, ne fait-il pas mouche quand l'auteure, «Prof» de Lettres françaises, connaît fort bien les extases lorsque son intuition et sa fécondité sont à leur apogée? Comment ne fait-il pas mouche quand sa plume s'incruste sur des pages pour suivre la cadence de son imagination exaltée et que tout n'est qu'éclat et harmonie? Oui, l'ouvrage de Nora Sari a fait mouche, puisqu'en plus de sa beauté et de sa richesse au niveau des textes, il place le lecteur aux premières loges, lui permettant de goûter aux remarquables chroniques d'un temps passé, que la nostalgie, qui s'y accroche, lui fait revivre au présent.
Que dire encore de l'ouvrage Un concert à Cherchell? Beaucoup de choses assurément, si je pouvais abuser de l'espace du journal. Car, franchement, je ne peux restituer, en une seule page, la valeur, la beauté et la magnificence - ne lésinons pas sur les mots - d'un ouvrage qui vient nous rappeler un pan de notre vie, ce que fut Cherchell «hier» et qui n'est plus «aujourd'hui», dans le tourbillon de la désurbanisation, de la déstructuration, et disons de la déshumanisation que subissent les glorieuses Cités de notre pays. Mais cela ne m'empêche pas d'être heureux d'avoir écrit quelques phrases pour le présenter et inviter les lecteurs à s'en imprégner davantage en le lisant, et en le relisant sans modération, parce que ce n'est pas un ouvrage sur lequel on peut se permettre de passer à côté...
Un concert à Cherchell de Nora Sari Editions L'Harmattan, 367 pages


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