Après le ministre de l'Intérieur, Daho Ould Kablia, c'est le ministre de l'Energie, Youcef Yousfi, qui signale à son tour les graves proportions prises par la contrebande à nos frontières. Tous nos produits de large consommation y passent. Pourquoi? Parce qu'ils sont tous subventionnés et donc vendus moins chers. De la semoule aux produits laitiers en passant par l'huile et jusqu'à la datte qui nous sont volés à notre nez et barbe et revendus chez nos voisins marocains et tunisiens. Sommes-nous devenus à ce point des poires qui ne réagissent pas même en cas d'agressions. Il s'agit bien d'agressions lorsqu'on nous vole ce que nous importons à coup de milliards de dollars pour aller le revendre chez les voisins. C'est le vol de carburant qui a fait déborder le vase. Le ministre de l'Energie estime à 1,5 milliard de litres de carburants que nous avons importés en casquant 1 milliard de dollars qui se ret-rouvent en vente sur le bord des routes de Tunisie ou du Maroc. Oui, nous importons notre essence! En attendant la réhabilitation et la rénovation de la raffinerie de Skikda qui est en cours et la réception des six nouvelles raffineries, nous avons du pétrole, mais pas encore suffisamment de raffineries pour le transformer en essence ou gas-oil. C'est-à-dire qu'on nous vole ce que nous achetons en devises fortes. En 2010, nous avons casqué 8,46 milliards de dollars de subventions pour le carburant. Et nous sommes là à regarder, sans broncher, les brigands se servir dans nos poches? On n'est peut-être pas très malins, mais tout de même pas idiots à ce point là! A l'est comme à l'ouest du pays les contrebandiers s'en donnent à coeur joie. Tlemcen et Tébessa ont la triste réputation d'être devenus des plaques tournantes des trafics en tous genres? Il n'y a pas que l'essence qui passe la frontière. Le blé, la semoule, l'huile, le médicament, la datte et même le lait et les yaourts. Des camions de céréales venus d'Algérie pour alimenter des minoteries marocaines sont régulièrement interceptés par les gardes-frontières. Des caravanes de baudets chargés de semoule ainsi que divers produits d'épicerie, aussi. Si la contrebande de carburant et d'huile est sérieusement combattue par les autorités marocaines pour protéger leur propre production, ce n'est pas le cas en Tunisie où la situation sécuritaire monopolise les efforts de l'Etat. De ce côté-là de notre frontière, on ne peut compter que sur nos propres moyens de défense. Certes, nous avons des douaniers. Nous avons des gardes-frontières. Nous avons des policiers et des gendarmes. Mais quel que soit le nombre des agents de sécurité, la lutte contre la contrebande s'apparente à la lutte contre le terrorisme. Souvent les deux vont ensemble d'ailleurs. Dans les deux cas, l'essentiel de la lutte est dans le renseignement. C'est la population qui est à même de fournir aux services de sécurité les renseignements sans lesquels les contrebandiers continueront à nous dilapider. Sur telle station-service impliquée dans le trafic. Sur tel passage de contrebandiers à telle heure, à tel endroit. Sur les lieux de stockage du carburant avant son acheminement hors frontières. Ce n'est pas de la délation, mais une forme d'autodéfense. L'ennemi, ce sont les contrebandiers. Ce sont eux qui nous volent et qui nous agressent. Et si la population laisse faire sans réagir, les contrebandiers imposeront, à terme, leur diktat. Pour l'efficacité d'une telle lutte, les services de sécurité devraient coordonner plus étroitement leurs moyens. Comme de donner un seul numéro d'appel aux citoyens, valable pour les douaniers comme pour les gendarmes ou les policiers. Concevoir et exécuter une vaste campagne de communication en direction des citoyens vivant dans ces zones. «L'appel à témoins» est une bonne chose. Mais il ne suffit pas de le dire. Il faut l'organiser!