Le dernier long métrage de Moussa Haddad intitulé Harraga Blues a été projeté avant-hier à 22h30, à la Cinémathèque de Béjaïa. Après sa projection en avant-première officielle, à Alger le 14 juin dernier, suivie de sa présentation en avant-première régionale au public de Saïda, Annaba, Constantine et Tlemcen, le nouveau long métrage fiction Harraga blues, coproduit par sa propre boîte, Moussa Haddad Production «MHP» et l'Agence algérienne pour le rayonnement culturel (Aarc), avec le soutien du ministère de la Culture (Fdatic), à fait escale à Béjaïa. Cette halte bougiote a suscité un engouement formidable du public en faisant salle comble, mais sans toutefois les emballer dans sa fiction, car les avis étaient partagés sur le traitement du phénomène de la Harga. «Je ne pose pas la problématique du règlement du problème qui est «multinational» car j'estime que c'est aux politiques d'apporter des solutions. Je traite du phénomène dramatique et actuel de l'émigration clandestine sans tomber dans le discours moralisateur. Voilà ma toile de fond avec laquelle j'ai écrit, puis réalisé ce film», nous déclare, d'emblée, le réalisateur accosté juste avant la séance de projection. En effet, riche d'une longue, remarquable et surtout respectable carrière cinématographique (L'Inspecteur Tahar, Hassan Terro, Made in...), Moussa Haddad a choisi d'aborder le thème sensible de l'émigration clandestine dans un film chargé d'émotions en essayant de présenter la réalité algérienne d'aujourd'hui. Même si le phénomène est dramatique, le réalisateur n'a pas cherché à verser dans le moralisme par un scénario moralisateur pour un sujet qui s'y prête pourtant. En résumé, Zino et Rayane, qui rêvent de gagner l'Espagne, rencontrent des difficultés avant que l'amour de Zola pour Zine ne décide d'interférer dans son aventure. Coécrit par le réalisateur et Amina Bedjaoui-Haddad, Harraga Blues traite d'un sujet épineux, et toujours d'actualité: l'émigration clandestine ou le phénomène des harraga qui touche particulièrement les jeunes. Des jeunes qui quittent leur pays, leur famille, leur entourage, leur travail et abandonnent même leurs projets, même si la plupart des cas, ils ne disposent de rien, à la conquête de l'eldorado appelé communément le rêve occidental. En outre, en voulant démontrer que le phénomène de la harga n'est pas typiquement économique, c'est aussi socioculturel, Moussa Haddad a choisi deux jeunes dont la situation sociale, est plus au moins confortable. «A travers ce film, je veux aussi démontrer que ce n'est pas uniquement le chômage, la misère qui font fuir les jeunes, mais plutôt le cadre de vie basé sur la liberté car même si on gagne sa vie correctement, les moyens de distraction et de décompression font défaut. Voilà l'autre angle avec lequel j'ai travaillé». En effet, Harraga Blues est un drame social qui traite de l'émigration clandestine à travers l'histoire de deux Algérois: Zine (incarné par Karim Hamzaoui) et Rayan (interprété par Zakaria Ramdane) rêvent de partir en Espagne et ce, malgré la situation sociale et familiale, plutôt confortable, dans laquelle ils évoluent. Par ailleurs, la projection du film a été suivie par un débat riche où les avis étaient partagés. «Techniquement, le film est bien fait avec une belle musique signée Lotfi Attar. C'est une oeuvre, certes, mais qui reste en deçà des attentes car il traite d'une certaine légèreté un phénomène social très important. Je partage l'avis du réalisateur sur le choix de la couche sociale car effectivement, le phénomène n'est pas essentiellement économique car ce n'est pas la misère qui fait fuir les gens, mais plutôt pour la recherche de l'épanouissement, de la liberté de vivre sur tous les plans. Mais il n'a pas su traiter profondément le phénomène», nous déclare Nonor Houchiche, l'homme cinéma béjaoui de Project heurt dont l'avis résume globalement le sentiment partagé du public. De son côté, le chanteur Akli D estime que le film ne reflète pas la dure réalité des harraga. «C'est un beau film qui n'aborde malheureusement pas avec justesse le phénomène de l'immigration clandestine.»