Leur pays revient de loin. Les Maliens qui iront voter, demain, en sont conscients. Sans la courageuse décision du président français, François Hollande, de barrer la route aux terroristes en route pour Bamako, le Mali serait aujourd'hui le pays d'Al Qaîda. Avec ses combats de rue entre les différents groupes armés du Mujao, d'Aqmi, d'Ansar Eddine, à l'identique de ce que vivent, actuellement, les Libyens. Les troupes françaises estimées à plus de 3000 hommes sont encore sur place et viennent d'être renforcées par plus de 6000 Casques bleus de la Minusma. C'est donc sous la protection de près de 10.000 soldats internationaux que les élections présidentielles auront lieu. Après avoir frôlé le pire, les Maliens en ont tiré toutes les leçons. De ce fait, il est attendu un fort taux de participation des 7 millions d'électeurs recensés. Même le fameux capitaine Sanogo, l'auteur du coup d'Etat à deux mois de la fin du mandat du président renversé, a demandé des excuses aux Maliens. «Avant l'uniforme, nous sommes des humains et nous commettons des erreurs, mais pas de façon délibérée», a-t-il cru nécessaire de préciser à ceux qui voudraient bien le croire. Et c'est dans cette atmosphère de début de réconciliation nationale que les bureaux de vote ouvriront demain pour ce premier tour. 27 candidats, dont une seule femme, sont en lice. Beaucoup donnent comme favori Ibrahim Boubacar Keïta, (dit IBK), 68 ans, ancien Premier ministre et ex-président de l'Assemblée nationale. Un deuxième tour sera très certainement nécessaire, car aucune candidature n'a de chance d'obtenir la majorité dès le premier tour. Ceci dit, il faudra accepter d'accorder une certaine spécificité à ces élections. Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, et le représentant de l'Union européenne, le Belge Louis Michel, appellent tous deux à l'indulgence des observateurs. L'essentiel étant de doter le pays d'institutions plus représentatives que celle dont il dispose actuellement. Pour lui assurer cette stabilité sans laquelle il ne peut y avoir ni paix ni progrès. Car et il faut bien le souligner, les élections de demain ne sont pas une finalité. Le futur président aura à régler de nombreux dossiers. Et ils sont nombreux. A commencer par celui des Touareg du Nord en préservant l'unité du Mali. Ensuite, il faudra remettre sur pied l'armée en bien mauvais état. Et enfin reconstruire le pays qui en a les moyens financiers. On en parle peu, mais il faut savoir que le Mali ne produit pas que du coton, il est également le 3e producteur d'or au monde. De 19 tonnes/an au début des années 2000, la production d'or au Mali est passée à 100 tonnes/an. D'ailleurs, à la fin de cette année, le Mali disposera de sa première raffinerie d'or d'une capacité de 240 tonnes/an. Les explorations pétrolières laissent croire que d'importants gisements existent. A tel point que le Conseil des ministres, tenu le 10 juillet au Mali, n'a pas attendu les élections pour accorder à une société (Corvus Resources Management Ltd) venue tout droit du paradis fiscal des îles Caïmans, une convention de quatre ans et la bagatelle de 35 millions de dollars pour effectuer des travaux de recherche et un forage sur le bassin de Taoudéni. L'uranium et d'autres précieux minerais font partie aussi des richesses de ce pays. Il est clair qu'un pays avec autant de trésors ne peut qu'attirer les convoitises et mettre en danger toute la région comme cela a failli se produire. Et qui risque de se reproduire. Les narco-terroristes qui se sont repliés en Libye restent aux aguets. Le danger est loin d'être écarté. C'est pourquoi les élections de demain seront suivies avec attention dans toute la région, notamment dans les sept pays frontaliers dont l'Algérie. En Europe aussi et particulièrement en France, pays qui a rendu ces élections possibles. Les Libyens ont eu, décidément, moins de chance que les Maliens!