La mise en garde principale concerne les autres institutions de l'Etat Dans le dernier numéro 488 daté de mars 2004, de la revue de l'armée El Djeïch, le général revient sur l'impartialité de l'ANP dans le scrutin présidentiel du 8 avril. Aussi, le chef d'état-major affirme sans ambages que «l'ANP n'a pas de candidat et elle n'est contre aucun candidat.» Cette interview du général-major vient ainsi clore le débat et les interprétations sceptiques ou tendancieuses à ce sujet. On relèvera que cette impartialité (et non neutralité) de l'institution militaire intervient après que le Conseil constitutionnel ait rendu publique la liste des postulants à la magistrature suprême. Est-ce à dire que c'est maintenant que les choses sérieuses commencent? On peut le penser. Car pour le général, l'ANP ne saurait rester passive ou indifférente devant un scrutin d'une telle importance. L'impartialité dont parle le chef d'état-major signifie tout au moins aux yeux des militaires auxquels il s'adresse en priorité, que dans tous les cas de figure, l'ANP a un rôle éminent à jouer en cas de dérapage ou de violation flagrante de la volonté populaire. C'est-à-dire lorsque les règles du jeu démocratiques ne sont pas respectées. Sérénité donc, mais pas indifférence. C'est la raison pour laquelle M.Lamari rappelle l'épisode de 1992 pour dire que l'ANP n'a jamais fui ses responsabilités lorsque les circonstances l'exigent. Ainsi donc, revenant sur la genèse qui a amené l'ANP à s'investir dans le champ politique, notamment depuis 1992 , il explique que «c'était en raison d'un impératif de destin national concernant le caractère républicain de l'Etat et la pérennité de la nation algérienne.» Cela nous rappelle aussi les mises en garde lancées, il y a deux mois, par le général dans deux quotidiens nationaux à ceux qui veulent s'arroger tous les pouvoirs et se tailler une Constitution sur mesure, en affirmant notamment: «Toute personnalité politique investie des prérogatives de président de la République qui compte toucher à l'ordre républicain, remettre en cause le pluralisme politique, tenter un réaménagement constitutionnel à la mesure de sa personne ou mépriser la société et le peuple trouvera devant elle l'armée.» Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'à un mois de l'élection présidentielle, le général Lamari en appelle d'abord au sens civique et politique des citoyens, puisqu'il laisse entendre que l'ANP ne peut pas assumer toute seule le fardeau de garantir la nature républicaine de l'Etat algérien. La société dans son ensemble, et les citoyens individuellement sont également invités à participer à cet effort républicain. Tout en reconnaissant que les conditions ne sont pas encore réunies pour garantir le caractère républicain de l'Etat, il souhaite que «la société algérienne assume ses options à la faveur d'élections mettant en compétition des candidats que l'armée n'oeuvre ni à gêner, ni à favoriser». Cet appel à la conscience politique de la société et des citoyens est très important à relever. De la part de l'ANP elle-même, il marque un saut qualitatif d'une grande portée. On ne le dira jamais assez, mais c'est la souveraineté populaire qui est ici, mise en exergue et valorisée comme il se doit. Cela dit, la mise en garde principale concerne les autres institutions de l'Etat, comme l'administration et l'appareil judiciaire, qui n'ont «absolument pas vocation, ni individuellement, ni collectivement, à se mettre d'une quelconque manière en situation de partie prenante face au choix des électeurs». Dans ce cas, la crédibilité du scrutin serait entachée. Après toutes ces mises en garde, le général déclare qu'aucun agent de l'administration ne doit faillir à son devoir et «ce faisant, il n'a rien craindre». Le moins que l'on puise dire, est qu'à un mois du scrutin, le général Lamari fixe une nouvelle fois les lignes rouges à ne pas transgresser, car l'ANP, qui répète qu'elle n'a pas de candidat «préféré», ne tolérera sûrement pas que l'administration roule pour un candidat au détriment des autres, et cela au mépris de la volonté populaire exprimée par les bulletins de vote.