Les observateurs de la scène politique notent beaucoup de zones d'ombre dans l'intervention du chef d'état-major. La sortie du chef d'état-major, Mohammed Lamari, dans le dernier numéro 488 daté de mars de la revue de l'armée El-Djeïch, suscite encore beaucoup d'interrogations même si la quasi totalité de la classe politique l'a accueillie avec une grande satisfaction. L'exigence d'une certaine transparence affirmée par le général Lamari fera en toute évidence, gagner le pays en intégrité et en honnêteté dans l'organisation d'une élection présidentielle. Aussi «l'avertissement» de l'institution militaire est à inscrire dans le cadre d'une stratégie d'anticipation à même d'éviter pour le pays, au lendemain du 8 avril, un scénario à la haïtienne ou à la géorgienne. Dans ces deux pays, le peuple a investi la rue pour contester la fraude qui a entaché le déroulement des élections. La menace sur les institutions gîte d'abord dans ces institutions elles-mêmes. D'où l'appel du chef d'état-major à la neutralité des différentes institutions «l'administration, la justice ainsi que les autres institutions n'ont absolument pas vocation, ni individuellement ni collectivement, à se mettre d'une quelconque manière en situation de partie prenante». Cependant, le scepticisme de l'opinion publique nationale demeure entier quant au timing choisi par le chef d'état-major pour faire son intervention. Des observateurs qui suivent de près l'effervescence précédant le scrutin d'avril, notent en effet, beaucoup de choses «bizarres», qui les ont amenés à s'interroger sur la réalité de l'intervention du général Lamari. «Elle vient en retard des événements qui ont particulièrement marqué la scène politique» affirment-ils. Ils citent d'abord la longueur d'avance prise par le président-candidat par rapport aux autres prétendants à la magistrature suprême du pays. Avant la date officielle de la campagne électorale et après l'officialisation de sa candidature, «il continue à instrumentaliser l'administration et à exercer son monopole sur la télévision nationale». Les observateurs évoquent également la mise à genoux du parti majoritaire, le FLN. Le 3 mars dernier, le Conseil d'Etat a annulé les résolutions issues du 8e congrès du parti, et gelant de ce fait toute ses activités et sa direction. Enfin, ils mettent en relief l'élimination de Taleb Ibrahimi de la course à la présidentielle. Autant d'événements éveillant un scepticisme opposé au satisfecit d'une classe politique qui crie à la fraude sitôt que l'armée avait annoncée son retrait du champ politique. Pour les observateurs, comme si la trame a été soigneusement tissée et ,du coup, le temps choisi pour cette intervention est loin d'être innocent. Le doute devient plus grand encore quand cette même intervention a été reléguée au second plan sur les écrans de la télévision nationale. L'Entv n'a fait passer l'entretien du chef d'état-major qu'à la fin du journal télévisé. Par ailleurs, les observateurs remettent au goût du jour le rapport de l'institution militaire avec le président-candidat. Dès son investiture, M.Bouteflika a croisé le fer avec l'armée. Pour rappel, il a déclaré que «la première violence en Algérie était l'arrêt du processus électoral». Sur cet épisode, le chef d'état-major a souligné, dans sa dernière sortie, que son institution a pris ses responsabilités. La première équipe gouvernementale sous la présidence de M.Bouteflika n'a vu le jour que huit mois après son élection. «C'est l'armée qui m'a empêché de former le gouvernement», a-t-il encore déclaré dans une dépêche de l'APS. «L'armée qui a officieusement opté, en 1999, pour M.Bouteflika a-t-elle subitement changé d'avis ou alors garde-t-elle une animosité pour celui qui l'a accusée de plus d'un tort?», s'interrogent les mêmes observateurs avant la réponse, la vraie, qui sera connue au lendemain du 8 avril.