Des juristes se sont exprimés hier à propos de la tournure prise par l'émission d'un mandat d'arrêt international contre Chakib Khelil. Pour Me Boudjemaâ Ghechir, président de la Ligue algérienne des droits de l'homme (Ladh), la procédure du parquet général d'Alger est nulle et non avenue, car explique-t-il «le juge d'instruction n'est pas habilité à lancer un mandat d'arrêt international contre l'ancien ministre de l'Energie et des Mines. Cette affaire doit être traitée directement par la Cour suprême. La procédure à suivre est claire: seul le conseiller enquêteur désigné préalablement par le président de la Cour suprême est habilité à lancer un mandat d'arrêt. Cette étape vient après que le procureur général près la Cour suprême ait ordonné les poursuites judiciaires contre le mis en cause et demandé au président de la même institution d'ouvrir une action judiciaire. Le temps fou et le retard accusé (soit environ 8 mois) avant de voir lancer ce mandat d'arrêt jouent contre la justice algérienne. Même avec la forte pression médiatique et l'accélération des décisions de la justice italienne, il n'est pas écarté que par ce sursis, on a permis à Chakib Khelil de régler d'abord ses problèmes et effacer toute trace du dossier. Par conséquent, indique-t-on, étant donné ce retard, on ne serait pas en mesure de faire des saisies conservatoires, en somme, une occasion ratée de récupérer une petite partie des sommes détournées». Sur un autre plan, l'obtention de l'extradition est liée à plusieurs facteurs, dit-il. «Elle dépend, de prime abord, du niveau de crédibilité de la justice algérienne à même de garantir un procès équitable», souligne-t-il. Et d'ajouter pour ne citer que ces aspects, «l'extradition est aussi tributaire d'un dossier bien ficelé avec des chefs d'inculpation clairs et appuyés par des preuves concrètes». Selon une spécialiste du droit constitutionnel, Mme Fatiha Benabbou, «l'acte de la justice algérienne est un coup d'épée dans l'eau, car toutes les mesures conservatoires n'ont pas été prises quand Chakib Khelil était ministre alors qu'il ne l'est plus, donc ne bénéficiant d'aucune immunité ou protection du moins du point de vue de la Constitution». De l'avis de cette juriste, «seul l'Etat de droit garantira la transparence et permettra au ministère public en particulier et la justice, en général de protéger la société et ses biens». Toutefois dit-elle, «la justice italienne qui possède plus d'appui international et de forte volonté de lutter contre la corruption peut remonter jusqu'à Chakib Khelil à travers Farid Bedjaoui». En tout cas, reste à savoir quelle réponse sera donnée à la demande d'extradition de l'Algérie à laquelle bien peu de monde croit. De l'avis de Me Miloud Brahimi «l'extradition de l'ex-ministre de l'Energie et des Mines, peut se faire même en l'absence de convention d'extradition». Mais, poursuit-il «cela ne veut pas dire que la justice algérienne pourra juger bientôt Chakib Khelil». Contrairement au droit latin, le droit anglo-saxon admet ou accepte l'extradition d'un national. Après l'exécution du mandat d'arrêt lancé contre Chakib Khelil et sa famille, «l'Algérie doit présenter un dossier à la justice américaine sur la base duquel la procédure d'extradition sera enclenchée», indique-t-il. Le précédent Khalifa est sur toutes les lèvres. Pour rappel, l'Algérie qui a présenté une demande d'extradition du golden boy, Moumène Khalifa, n'a pas réussi jusqu'ici à le faire extrader et ce, de surcroît, ce dernier n'a pas de nationalité britannique, contrairement à Chakib Khelil qui a eu la citoyenneté américaine durant les années 1970. Ce dernier vient de nier en bloc les accusations portées contre lui par la justice algérienne. Outre la réaction d'«après-coup», l'Algérie qui a lancé un mandat d'arrêt international contre l'ancien ministre de l'Energie et des Mines, Chakib Khelil, sa femme, ses deux enfants et Farid Bedjaoui, risque de ne pas obtenir leur extradition. Les deux juges milanais, traitant ce dossier, en l'occurrence, De Pasquale et Spadaro, sont décidés à aller le plus loin possible pour faire la lumière sur cette grande rapine internationale qui a provoqué un véritable séisme en Italie et des répliques en Algérie.