En août 1988, Oussama Ben Laden, Ayman al-Zawahiri et quatre autres combattants formaient officiellement «Al Qaîda» lors d'une réunion à Peshawar. Al Qaîda a 25 ans ce mois-ci. Et le mouvement islamiste armé à la tête du «jihad mondial» voit aujourd'hui son centre de gravité migrer hors de son Pakistan natal, vers le Moyen-Orient et l'Afrique, estiment des experts. En août 1988, Oussama Ben Laden, Ayman al-Zawahiri et quatre autres combattants formaient officiellement «Al Qaîda» lors d'une réunion à Peshawar, carrefour du nord-ouest pakistanais à la porte de la frontière afghane. A l'époque, les troupes soviétiques commençaient leur retrait d'Afghanistan et les combattants venus du monde entier pour appuyer la rébellion afghane cherchaient à étendre le «jihad» à l'international. Aujourd'hui, ce sont les troupes occidentales qui ont entamé leur retrait d'Afghanistan où elles étaient venues traquer Oussama Ben Laden, finalement tué en mai 2011 par un commando américain au Pakistan. Ayman al-Zawahiri, un Egyptien de 62 ans réputé fin stratège mais moins charismatique que Ben Laden, a pris la succession du mouvement. Or l'interception de messages, suggérant des menaces d'attentats contre des intérêts occidentaux, entre al-Zawahiri, et le chef de sa filiale dans la péninsule arabique (Aqpa), le Yéménite Nasser al-Whaychi, a récemment fait bondir les Etats-Unis. Près d'une vingtaine d'ambassades ont été fermées par craintes d'attentats. Une question s'est aussi imposée avec une nouvelle acuité. Est-ce le «patron» Zawahiri qui donne les ordres ou les «franchises» de la marque Al Qaîda qui agissent de leur propre chef? «En général, les plans ne viennent pas de Zawahiri», lance Rahimullah Yousufzaï, spécialiste des mouvements islamistes du nord du Pakistan. «En terme de force de frappe, de pouvoir et d'efficacité, le centre de gravité s'est déplacé. Il n'est plus au Pakistan ou en Afghanistan. La majorité des combattants ne sont plus ici», ajoute-t-il. «Il semble que le leadership d'Al Qaîda se soit déplacé dans des structures régionales au Yémen, en Syrie et probablement en Somalie», renchérit Imtiaz Gul, directeur du Centre d'études stratégiques à Islamabad. «Al Qaîda n'a pas besoin d'un chef charismatique comme Oussama Ben Laden, le mouvement a assez de carburant et de munitions idéologiques pour rester en vie», dit-il. Aujourd'hui, des groupes inspirés de l'idéologie antidémocratique d'Al Qaîda prolifèrent dans des pays comme la Libye, la Syrie ou l'Egypte, surfant sur le désarroi du «printemps arabe», et aussi en Afrique de l'ouest. «Il n'y a aucune raison que le noyau dur d'Al Qaîda se concentre uniquement au Pakistan ou en Afghanistan», fait valoir Daveed Gartenstein-Ross, analyste à la Foundation for Defence of Democracies, un centre de recherche à Washington. «Ils ont fait d'al-Whaychi leur directeur général, ce qui signifie qu'il fait partie du noyau dur... Il y a un déplacement géographique vers le Yémen, mais cela ne veut pas dire que le centre de commandement se déplace. Selon moi, il s'étend», nuance-t-il. Le président américain Barack Obama a soutenu la semaine dernière que le «noyau central» d'Al Qaîda au Pakistan s'acheminait vers une «défaite» en raison entre autres des tirs de drones dans le secteur, mais un rapport récent des services de renseignement canadiens (SCRS) évoque plutôt un commandement endurant. Or la fin, l'an prochain, de la mission de l'Otan en Afghanistan (ISAF) pourrait être un facteur déterminant pour le futur d'Al Qaîda sur ses terres d'origine. Selon le renseignement canadien, le fait que le commandement d'Al Qaîda pourrait alors «retrouver sa marge de manoeuvre et le sanctuaire transfrontalier dont il a besoin pour assurer sa survie pour les cinq prochaines années au moins».